ne comprit pas le sens de ces paroles.
Il saisit sa beche et s'appreta a jeter dans la fosse la premiere
pelletee de terre.
Panigarola l'empoigna par le bras et dit:
--Pas encore!
Le fossoyeur, deja penche, se redressa. Panigarola continua:
--Il manque quelqu'un dans la fosse...
--Qui? hurla le vieillard.
--Moi.
Le fossoyeur vacilla d'epouvante. Il etait transporte dans les regions
de l'horreur... Il ne cherchait pas a comprendre. Il ne vivait plus, il
revait.
--Va-t'en, reprit Panigarola. Tu reviendras dans une heure. Et, alors,
ecoute...
--J'entends, dit le vieillard en claquant des dents
--Tu recouvriras la fosse sans y regarder... Il y aura deux cadavres, le
mien et le sien... tu recouvriras tout. Prends ceci.
Il tendit au fossoyeur une bourse pleine d'or, une fortune. Le vieillard
s'en saisit. Des lors, il se rassura quelque peu.
--C'est pour que je ne dise rien? demanda-t-il avec un sourire ou
luttaient l'avarice et l'effroi.
Panigarola secoua la tete.
--C'est donc pour me payer ma besogne?
--Si tu disais un mot de ce que tu fais cette nuit tu serais pendu.
Quant a ta besogne, je n'ai pas a la payer puisque tu es le fossoyeur...
--Alors, pourquoi cet or?
--Ecoute... Demain, dans huit jours, dans un mois je ne sais pas quand,
un enfant viendra... un petit garcon, cheveux noirs, yeux noirs, figure
triste, pale et chetive... six ans a le voir... Cet enfant, tu le
prendras par la main, tu le conduiras sur cette fosse, et lui diras: "Si
c'est la tombe de ta mere que tu cherches, "mon enfant, la voici." Le
feras-tu?
--C'est facile.
--L'enfant s'appelle Jacques-Clement.
--Jacques-Clement. Bon. Il pourra venir prier et pleurer tant qu'il
voudra. C'est sacre.
Panigarola eut un geste de satisfaction.
Va-t'en. Souviens-toi. Et reviens dans une heure.
Le fossoyeur recula, s'en alla, les yeux tournes vers cet homme qui,
debout sur le bord de la fosse, immobile, paraissait un spectre se
preparant a rentrer dans la tombe d'ou il etait sorti.
Une terreur insensee, de nouveau, s'abattit sur lui. Il sentit qu'il
allait tomber et s'appuya a quelque chose qui etait une croix de bois.
Il s'y cramponna. Et, de la, il continua a regarder. Un large eclair lui
montra l'homme qui se courbait sur le bord de la fosse...
Puis l'obscurite se fit profonde.
Un nouvel eclair illumina le cimetiere. Le fossoyeur, a bout de forces,
tomba sur ses genoux: cette fois, il n'y avait plus pe
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