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e vous, qui ne doit pas approcher de vous. Pardonnez-moi de vous ecrire ainsi, cela me torture il faut que je vous le dise !... "Savez-vous le reve que je fais, que je refais mille fois dans mon isolement ? Je vous imagine toute petite, pres de moi deja homme; telle je trouvai ici, il y a dix ans, ma soeur Jeanne, quand je revins a Vezeris, le coeur brise de quitter mon regiment... Cette ame enfantine, encore toute gourmee d'ignorance, je l'adorai aussitot. Je resolus d'y verser seul la connaissance et la reflexion, afin qu'elle fut le meilleur de moi, eclos en elle; et je me suis tenu parole. Jeanne n'a pas eu d'autre educateur ni d'autre ami; hors des besognes toutes feminines auxquelles ma mere l'a faconnee, chacune de ses pensees a sa source en moi. Oh ! vous avoir connue enfant, Maud, vous avoir elevee et fait grandir ainsi ! Vous seriez peut-etre, vous seriez surement moins eclatante, moins "reine". Mais j'aurais a toute heure la clef de vos reves, je ne serais pas reduit a roder ombrageusement autour de votre mystere ! "Pourtant, attarde a ce regret, j'hesite. Ce que j'ai adore aveuglement en vous, c'est peut-etre le contraire de ce que j'aime en Jeanne. Votre royaute mysterieuse, qui m'effraye, m'a subjuge. Pardonnez-moi: je me trompais, je me mentais. Je ne vous veux pas autre que vous n'etes. Les derniers mots que vous m'avez dits me rassurent: notre heure de solitude, ces minutes exaltees que j'ai vecues pres de vous, juste avant de vous dire adieu, leur souvenir me rend le courage. Pour indigne que je sois de vous, vous voulez bien consentir a etre servie par moi. C'est tout ce que je vous demande dans le present, et j'ai peur de rever quand je pense que vous m'avez permis cela. "Soyez bonne: ecrivez-moi. Je ne sollicite rien de plus que ce qui est, mais je vous supplie de me dire: "Cela est toujours." Il me faut ce reconfort pour continuer a vivre jusqu'a l'heure ou je vous reverrai. "Moi, je ne pense qu'a vous, je ne vis plus que pour vous. La secheresse de mon coeur pour tout ce qui n'est pas vous m'epouvante. Il me semble que je n'aime plus ce qui m'etait le plus cher. L'absence de ma mere m'est indifferente, je ne jouis plus de la presence de Jeanne qui s'en desole, la pauvre cherie ! Je me sens dans la vie effroyablement seul. Ce n'est plus moi qui marche, qui parle, qui travaille ici: c'est une espece de fantome desinteresse, que je regarde agir, que j'ecoute parler. Il faudrait, pour vous peindre cela, d'autres mots que les
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