tie double, en partie carree, jouer a ce jeu de cocottes dont elles raffolent, sous l'oeil indulgent des peres et des maris.
Ainsi parlait Hector Le Tessier a Aaron, qui, de son oeil rond de myope, cherchait Maud dans la foule bruyante des consommateurs sans l'apercevoir.
-- Vous n'avez pas vu Mlle de Rouvre ? demanda-t-il a Lestrange qui passait.
-- Je la cherche. Jacqueline, n'est-ce pas ?
-- Non... pas Jacqueline, Maud ?
-- Oh ! Maud !Il faut etre le gros monsieur cale que vous etes pour la disputer a ses deux gardes du corps actuels. Les avez- vous observes ? Ils sont bien curieux a voir.
-- Oui, fit Hector serieusement, curieux a voir. Mais j'ai peur du drame.
Le banquier chipotant une marquise se recria:
-- Du drame ? Est-ce qu'on en voit dans le monde, aujourd'hui ? Il n'y a plus de passions, il n'y a que des appetits. Il n'y a plus de jalousies, il n'y a que des depits.
-- Cette pensee est de vous, monsieur ? demanda Hector tres serieusement.
-- Mais... oui, fit le banquier qui flaira l'ironie.
Parmi les groupes, Mme Ucelli passait, secouant la paresse des buveurs.
-- Allons ! _su ! su !_A la salle, vite, vite... Mlle Ambre va chanter des chansons fin de siecle, celles qu'elle chantait chez la duchesse... Vite !... C'est admirable ! Elle commence. Venez vite.
En effet, le piano resonnait de nouveau dans le hall. Chacun regagna sa place. Accompagnee par Mme Ucelli, la jeune chanteuse debita quelques-unes de ces fantaisies au comique pince-sansrire qui auront ete, pendant cinq ans, le divertissement musical de Paris et qui, sans doute, surprendront nos successeurs par leur laborieuse ineptie. L'amie de la duchesse chantait, suivant la formule, droite et raide, sans un geste, sans qu'un muscle bougeat sur son masque, les levres meme remuant a peine.
Comme il convenait, on applaudit. Mme Ucelli donna le signal. Mlle Ambre ne salua pas, s'assit tranquillement, tandis que l'Italienne criblait le clavier de variations brillantes. C'etait l'entr'acte convenu. Maud et Jacqueline en profiterent pour passer discretement dans les rangs des chaises, appelant les jeunes filles qui se leverent et les suivirent.
-- Qu'est-ce que ceci ? demanda le docteur Krauss a Mme de Reversier, sa voisine.
-- On fait sortir les demoiselles. Cela se fait couramment maintenant, dans le monde, quand on fait chanter a Bruant ou a Felicia Mallet les morceaux corses de leur repertoire. C'est bien plus convenable.
-- En verite ! murmu
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