vent, et elles aimeront la femme que je me choisis.
-- Alors, dit Maud simplement, que Mme de Chantel vienne demain demander pour vous ma main a ma mere. Moi, je vous la donne.
Comme Maxime restait muet et immobile devant elle, sous le choc de ce brusque bonheur, elle tendit lentement, gravement son front. Des qu'il l'eut touche de ses levres, il retrouva la force de serrer la jeune fille contre soi, en lui balbutiant des mots de tendresse... Cette fois il ne la sentit point se derober, se raidir sous son etreinte, car Maud, d'un effort surhumain, maitrisait ses nerfs, domptait ses sens, enragee de leur rebellion intime pour ce seul baiser de fiancailles, epouvantee du partage entrevu dans l'avenir, -- mais resolue pourtant.
Ils regagnerent le hall, le vert reduit ou s'etaient maintenant reunis tous es intimes de la maison. Mme de Chantel etait assise a cote de Mme de Rouvre; les deux Le Tessier causaient avec Etiennette. Hector, aux visages de Maud et de Maxime, comprit ce qui venait de se passer. Il aima Maud pour le triomphe qu'elle venait de remporter; il envia Maxime pour sa defaite. "Etre le mari de cette femme unique, pensa-t-il, cela ne vaut-il pas des annees de jalousie, des mois d'angoisse et le coup de pistolet final ? Heureux les aveugles et les fous !..." Maxime s'approcha de Jeanne, la baisa sur la joue: a cette effusion, elle aussi comprit tout. Hector vit monter a ses yeux des larmes aussitot refoulees. Paul, lui, ne vit rien: il regardait Etiennette; il jouissait longuement de cette sorte de printemps que l'homme sent refleurir en lui, non sans surprise, la quarantaine passee, lorsque l'amour le reprend a l'improviste. "Gros beta, pensa Hector avec l'affectueuse ironie de leur fraternite, le voila, a son age, aussi toque que ce soldat-laboureur." Au fond, il l'enviait aussi. "Decidement, il n'y a que moi pour resister," se dit-il, resolu a ne pas sentir la vapeur d'attendrissement, d'alanguissement sentimental qui montait en lui au spectacle de ces tendresses, si etrangement ecloses en ce milieu de fete.
L'heure s'avancait, le bal ralenti faisait treve: c'etait le repos qui precede le cotillon. Jacqueline et Suberceaux, qui devaient le conduire, surveillaient l'arrangement des chaises.
-- Regardez, dit Hector a Maxime: excellente occasion pour mesurer l'innocence des jeunes filles. Quelques-unes vont s'asseoir dans des coins inaccessibles avec leur danseur: Dora Calvell, la soeur de Mme Duclerc, les petites Reversier. Pour
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