aime l'autre... Elle a horreur d'un contact qui n'est pas le sien. Pourrais-je, moi, effleurer seulement une autre femme ?..." Si inexperimente qu'il fut a l'amour d'une jeune fille, il aimait trop, avec une sensibilite trop eveillee, pour ne pas souffrir de cet invincible effroi retractile que ses tentatives de caresses provoquaient chez Maud. Mais, conduit a cette constatation par la logique de ses reflexions, il se reveillait, il se revoltait, il ne voulait plus croire: c'etait trop douloureux aussi, trop effroyable a imaginer que celle qu'il adorait eut horreur de lui: c'etait plus affreux encore que la pensee d'etre trahi. Il se forcait de nouveau a se rassurer: "Comme elle est douce avec moi, comme elle cherche evidemment a ne pas me deplaire !... Durant toute mon absence, n'a-t-elle pas renonce au monde ?... Ne vit-elle pas maintenant a part des gens qui l'entouraient ? Ne m'a-t-elle pas dit ce qu'elle en pensait avec tant de sincerite ?..." Il revivait les jours adorables, ceux ou les soucis d'installation et de trousseau faisaient treve. Alors, il dejeunait a Chamblais, y passait l'apres-midi, y dinait, revenant a Paris par un train du soir. Quand le temps etait beau et sec (et par ce printemps beni, il l'etait presque tous les jours), il allait a pied de la gare au chateau d'Armide, par un raccourci a travers bois qui reduisait le trajet a moins de deux kilometres: et, sachant l'heure de son arrivee, Maud avait imagine d'avancer a sa rencontre jusqu'a la porte lattee qui, du parc, ouvrait sur le bois... Oh ! cette silhouette claire, de loin apercue dans l'aurore verte des bois ! ce visage adore, toujours nouveau ! l'effleurement de cette longue main fine !... le retour au chateau d'Armide, pres d'elle... C'etait le meilleur moment de la journee, avec quelques instants de l'apres-midi ou parfois ils etaient seuls dans la serre. Des que d'autres se trouvaient avec eux, fut-ce Mme de Rouvre, Etiennette ou Jacqueline, Maxime devenait maussade, irrite de ne pouvoir plus lui dire librement qu'il l'adorait. Elle, son aisance de reine jamais ne l'abandonnait, mais le tete-a-tete avec Maxime ne semblait point lui deplaire et plusieurs fois elle lui avait marque, pour son esprit et son caractere, une estime certainement non jouee. Apres ces journees heureuses, Maxime regagnait, vers onze heures du soir, sa petite chambre de seminariste, enivre, fou: le sommeil ne le tentait pas; il le fuyait; il voulait repasser, revivre la journee. Alors il ne doutait plu
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