les, le Senat et la Banque, il me l'a dit bien des fois. Vous vous marierez alors. Mais jusque-la, aimez-vous !
Sec.
Etiennette secouait la tete obstinement:
-- Non. Ce que tu dis est tres raisonnable, c'est meme tout ce qui me reste d'espoir; je crois bien que Paul m'epousera lorsqu'il aura resigne ses fonctions, et alors, moi, je consentirai. Mais jusque-la, je ne veux pas, non, je ne veux pas etre sa maitresse... C'est absurde, c'est niais, c'est tout ce qu'il te plaira. Je ne veux pas, je ne peux pas; je sens que la minute d'apres je ne l'aimerais plus, et que je serais malheureuse.
Elles resterent quelque temps sans rien dire... Qui des deux avait raison ? Elles ne savaient plus, la conscience desorientee, dociles simplement a l'impulsion de leur temperament.
-- Et comment vivras-tu, pauvre aimee ? demanda Maud.
Etiennette sourit, des larmes encore aux paupieres:
-- Je jouerai de la guitare dans les salons... Te rappelles-tu, en fevrier, quand je venais te demander ta protection ? Quatre mois passes, seulement, et que d'evenements depuis, que de changements dans nos vies !...
Elles retomberent dans les bras l'une de l'autre, a ce rappel de leur amitie renouee. Pour la premiere fois peut-etre, dans l'etreinte de cette bonne et saine tendresse qui lui demeurait seule du passe, au seuil de l'horrible vie qu'elle adoptait, Maud mela ses larmes aux larmes d'Etiennette Duroy.
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_28 mai, 4 heures_.
"Maud, je t'obeis. Je vais me tuer. Aussi bien, ma resolution est prise depuis le jour ou tu m'as si rudement congedie, a Chamblais. Si j'ai tarde a l'executer, ce n'est pas que j'aie eu peur de la mort, ni meme que j'aie espere te flechir. Mais je voudrais te revoir, Maud... et quand j'ai compris que tu ne voulais plus m'accueillir, j'ai attendu l'occasion du mariage de Jacqueline pour te revoir quand meme, pour te parler.
"Ne me garde pas rancune pour cette violence que je t'ai faite ! J'ai tant souffert depuis un mois ! j'ai tant souffert par toi... et je ne t'en veux pas. Je t'appartiendrai encore au moment ou je sentirai sur ma tempe le froid du revolver, comme je t'ai appartenu depuis le moment ou je t'ai rencontree. Vois-tu, juste avant de mourir, j'apercois clairement la verite qui se cachait de moi en pleine vie: je n'etais point fait pour les luttes ou tu voulais m'entrainer. Tout ce que j'ai cru vaincre et chasser de moi me revient a present et me ressaisit. J'etais fait pour t'aimer de tout mon coeur, fidelement, to
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