s, il etait sur d'elle et sur de lui, jusqu'a ce qu'un nouvel avis anonyme, ou seulement l'hostile elaboration de sa pensee, le rejetat au desarroi de la jalousie et du doute.
Ce qui doublait pour lui l'horreur de ses souffrances intimes, c'est qu'il souffrait seul. Quel appui moral eut-il trouve dans sa mere, dans sa soeur, qu'il sentait des intelligences inferieures a la sienne, et des coeurs aussi passionnes, aussi bouleversables que le sien ? Elles assistaient a ses luttes intimes sans oser y demander leur part, ni meme en soliciter la confidence, car elles gardaient pour Maxime le respect inne des nobles familles pour le chef de la maison, qui porte le nom et defend l'honneur. Pourtant leur amour avait sa clairvoyance et, regardant souffrir ce chef cheri et respecte, elles souffraient, elles etaient anxieuses par contre-coup. C'etait le sujet de leurs constants entretiens, les noires melancolies de Maxime, les journees ou son visage decompose, la distraction de sa pensee (quoiqu'il s'efforcat de ne rien laisser transparaitre et qu'il n'avouait rien) trahissaient l'effroyable combat interieur. Mme de Chantel, honnete esprit tout a fait borne a sa vie de solitude et de purete, etait bien incapable de penetrer le mystere ce cet esprit plus complexe et plus inquiet: elle avait seulement eprouve, en aimant ellememe de tout son coeur, que l'amour ne va pas sans melancolies, sans angoisses, et elle se disait: "Il aime trop sa fiancee, il est impatient..." Cela n'etonnait pas son ame honnete qui avait ete en meme temps extremement passionnee, mais pour un seul etre humain, pour son mari: bon mari, ardent avec un peu d'inconstance, qu'elle servit et cherit en esclave amoureuse, et qu'elle pleurait depuis sept ans avec les chaudes larmes du lendemain de la mort... Jeanne n'avait meme pas cette experience pour expliquer le desarroi moral de son frere. Elle ne voyait qu'une chose: il souffrait, il souffrait depuis qu'il connaissait Maud, donc il souffrait par elle. N'ayant connu, toute sa jeunesse, d'autre ami que ce frere, son veritable educateur, et quel educateur tendre et fervent ! elle n'eut pas ete femme si un levain de jalousie n'eut germe dans son coeur contre l'autre jeune fille qui lui volait Maxime. Elle domina ce sentiment par abnegation de chretienne, le jugeant malsain,
coupable...mais sa resolution d'aimer Maud ne tint pas contre le chagrin de son frere, qu'elle lui reprocha. Maud, d'instinct, ne lui plaisait pas: d'instinct presque specifique
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