meme femme. Le jouisseur sans moralite qu'etait Suberceaux, l'espece de saint laique qu'etait Maxime de Chantel s'allierent un instant.
-- Monsieur de Chantel, dit Berceaux presque a voix basse, son masque d'ironie mondaine tombe, n'allez pas a Chamblais !
Et il y eut de l'anxiete, pas de colere, dans la replique de Maxime, ce simple mot:
-- Pourquoi ?
-- Ne me faites pas parler. A quoi bon ? Vous me croyez a present, j'en suis sur. Retournez a Paris, retournez dans votre pays. Tachez d'oublier ce que vous avez vu et entrepris ici.
Maxime, lentement, avancait toujours. Suberceaux lui mit la main sur le bras, d'un geste ou il n'y avait plus de menace, aucune contrainte, une sollicitation convaincue, seulement:
-- Vous ne pouvez pas epouser Mlle de Rouvre. Voyez, je vous parle sans colere. Croyez-moi. Vous allez a une catastrophe. Retournez. N'allez pas plus loin.
-- Oh ! mon Dieu ! murmura Maxime.
Il souffrait si cruellement qu'il ne songeait plus a dissimuler.
-- Retournez chez vous, reprit Suberceaux, allez-vous-en. Laissez-moi seul en face de Maud. Vous n'avez pas le droit de l'epouser... ni elle...
Un cri de detresse s'etrangla dans la gorge de Maxime:
-- Ah !... ce n'est pas vrai ! Vous mentez... Je me battrai avec vous, maintenant... Je vous tuerai... miserable !
Suberceaux secoua la tete:
-- A quoi bon nous battre ? _Tout est fini_, maintenant que vous savez. Maud est ma...
Il detourna avec son bras, habitue aux luttes, l'elan de Maxime qui se precipitait sur lui, et l'arreta court en disant:
-- Chut !... la voici...
Une tache mauve flottait, ensoleillee, au dela du coude de l'avenue, et s'avancait. Ils continuerent a marcher a sa rencontre. Et soudain, Maud les apercut.
Elle tressaillit: sans savoir comment s'etait machinee cette rencontre, elle avait compris que l'heure, tant de fois presagee, ou les deux hommes s'expliqueraient en sa presence, -- que cette heure venait d'echoir.
Elle ramassa son energie, recueillit son sang-froid de lutteuse, resolue a passer outre, a continuer sa route en avant, par-dessus l'obstacle, s'il le fallait. "Peut-etre Maxime e sait rien... Alors, rien n'est perdu... S'il sait, c'est fini. Eh bien ! tant pis: ce sera fini ! Mais je resterai "moi", quand meme !" Rester soi, c'etait ne pas abdiquer son attitude d'aventureuse bravoure qui marche sans regarder en arriere, toujours resolue. "Ni celui-ci ni celui-la ne me feront plier," pensa-t-elle encore en observant le
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