e la Baume demain matin: il faut que je te voie.
Des yeux, Julien acquiesca. Maud se rassit pres de Maxime qui lui jeta un regard de remerciement pour lui avoir sacrifie le plaisir du bal.
III
La chambre ou agonisait Mathilde Duroy eut raconte a un observateur la vie accidentee et ballotee de la mourante, rien que par son ameublement composite, stratifie par couches successives, pour ainsi dire; car Mathilde, tracassee de superstitions, ne se separait pas volontiers des objets compagnons de son passe et, suivant les diverse fortunes de ses annees, les acquisitions, les cadeaux, les souvenirs s'accumulaient sur un fonds de decoration tristement banale, peluche frangee et fausse turquerie, qu'elle aimait, qui representait son ideal de confort, et dont en vain Etiennette, tellement plus affinee, tellement d'autre race intellectuelle, avait essaye de la degouter. Sur la cheminee rendue de peluche bleue, a garniture de cuivre repousse, un daguerreotype enchasse dans un cadre noir ovale, a vitre bombee, montrait l'image miroitante, jaunie, a demi effacee, d'une jolie premiere communiante, blanche et fraiche, souriante comme une fleur d'aubepine. Mathilde faisait, soir et matin, sa priere devant ce cadre, sa propre image de petite campagnarde innocente. Deux autres photographies, plus recentes, ornaient les angles: celle de la mere de Mathilde, une paysanne a bonnet breton; celle du mari de Mathilde, car Mathilde avait ete mariee a un contre-maitre parisien. Du temps de son mariage il ne demeurait que ce portrait, et la folle Suzanne, que Mathilde avait eue du contre-maitre. Lui etait mort jeune, et tout de suite, presque dans le cortege, ou il y avait des patrons, de grands industriels a l'hotel et a mail, la jolie veuve avait trouve le consolateur. Une bibliotheque genre Boule, en bois de rose marquete, denoncait le style de la premiere installation. Peu a peu des amities plus artistiques laisserent comme reliques trois admirables fauteuils Louis XIV, en bois sculptes et dore, recouverts de gobelins pure soie, meubles qui se fabriquaient dans les manufactures royales, a la destination speciale de presents royaux. Quelques ebauches amusantes representaient une jeune femme, le haut du buste nu, en corset ou en chemise (Mathilde Duroy avait ete celebre pour ses epaules et ses bras). Et plus d'une fois, au coin des pochades, comme sur la garde de tels romans niches dans la bibliotheque Boule, cette dedicace revenait, souscrite de signatures celebres:
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