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ment ce qu'on veut: en parlant de l'activite avec laquelle je pensais, je m'apercois que je ne traduis pas du tout la verite. Dire que je pensais avec activite, cela pourrait donner a croire que je m'appliquais a penser, que je m'y appliquais volontairement, victorieusement. Eh bien, non! En realite, ce qu'il y avait de frappant c'etait bien plutot la passivite avec laquelle je pensais. J'etais visite, traverse, brutalise, viole par maintes pensees que je subissais sans les provoquer en quoi que ce fut. Puis-je dire que je pensais? Puis-je m'attribuer ce merite? N'etais-je pas plutot le temoin impuissant, la victime? N'etais-je pas plutot le champ de bataille ravage? Non, vraiment, je ne pensais pas, je ne faisais rien pour penser. On pensait en moi, a travers moi, envers et contre moi. On pensait sans se gener, a mes frais, comme on bivouaque en pays conquis. Il y a sans doute des gens tres savants et tres favorises qui se proposent de penser sur un sujet et qui tiennent leur propos; il y a des gens capables de diriger leur esprit comme un navire sur une mer semee de brisants, des gens qui pensent reellement, c'est-a-dire qui pensent ce qu'ils veulent. Heureuses gens! Pour moi, le plus souvent, je suis le lit d'un fleuve: je sens rouler un courant tumultueux; je le contiens, c'est tout. Et encore, voyez les mots! Je ne le contiens pas toujours, ce courant: il y a l'inondation. Prenez les choses comme vous voudrez, le fait certain est que, pendant que j'errais a la recherche de cette introuvable situation, mon esprit devenait le lieu d'une fermentation vehemente. Ici prend place un evenement que je vais essayer de vous relater, qu'il me faut bien vous relater, mais dont je ne peux parler ni aisement, ni calmement. Je regagnais la maison. C'etait un soir de la mi-octobre. Il etait peut-etre sept ou huit heures. Il tombait une de ces pluies dont on ne devrait pas dire qu'elles tombent, car elles semblent sourdre de l'air malade, du sol, des choses, des hommes. J'avais passe l'apres-midi a refuser deux ou trois propositions humiliantes: des besognes d'esclaves, d'automates ou de betes de somme. Je venais du fond de Grenelle et je suivais la rue de Vaugirard. Je recapitulais ma journee: elle ne me montrait qu'un visage morne et reveche. Je n'avais pas, en poche, de quoi prendre l'omnibus et je marchais, sans trop me presser, dans les flaques, dans la boue, enivre de mon decouragement et de mon amertume. En pa
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