u etaient
formulees les offres d'emplois. On m'avait depuis longtemps signale
cette petite agence en plein air; je n'avais, jusque-la, ose y recourir.
Je m'approchai, derriere les autres, en affectant un peu de detachement.
Sur la feuille moite, le texte, polycopie a la pate, se lisait mal.
Certains des hommes epelaient a voix haute, avec difficulte, en
mastiquant, pour ainsi dire, les mots que leur esprit absorbait avec
lenteur.
Le numero 12 retint mon attention: "_Avocat demande personne
instruite, jeune, bonne education, celibataire, pour travaux de bureau.
Envoyer photographie._"
J'entrevis un cabinet de travail un peu sombre, avec un large tapis de
moquette, un feu de boulets, un feu rouge cerise, au creux de la
cheminee, et de longs apres-midi solitaires, un hoquet de pendule dans
le silence cotonneux.
Voila exactement ce qu'il me fallait.
--C'est vingt-cinq centimes, me dit la femme du kiosque en me tendant
l'enveloppe qui contenait l'adresse du numero 12.
J'ecrivis, dans un bureau de poste, une lettre soignee, digne et
toutefois persuasive, une lettre peremptoire, convaincante. Les mots
_personne instruite_ me troublaient assez; mais, enfin, j'ai mon
brevet. Je pris, dans mon portefeuille, l'unique photographie que je
possedais, une epreuve deja ancienne, sur laquelle je suis represente
avec des cheveux boucles, une moustache a peine dessinee et cet air
particulierement melancolique et timide qui fut le mien entre vingt et
vingt-cinq ans. Une photo? Pourquoi cette demande de photo? Y a-t-il
donc des gens si maniaques?
La lettre partie, je me sentis reconforte, content. J'entrevis un
succes, une de ces rencontres heureuses qui changent la destinee d'un
homme. A compter de cet instant, j'eus un avenir. L'avenir? N'est-ce pas
une pensee que l'on pense soudain et qui suffit a changer le gout du
monde?
Je vous l'ai dit, le temps etait fort humide; je passai donc le reste de
ma journee a la bibliotheque Sainte-Genevieve, dans mon coin favori: au
bout d'une des tables, au fond, a gauche.
La, je suis bien. Il tombe des hautes fenetres une clarte sereine et
spirituelle qui chante sur les pages imprimees ainsi qu'un archet sur
une corde. La, tout est juste et tempere, comme dans le cerveau d'un
sage. L'encens de la pierre et des livres penetre l'ame et la purifie.
Je passai donc a la bibliotheque toute cette journee. J'y retournai le
lendemain. J'attendais. A quoi bon multiplier les tentatives, n'es
|