t-ce
pas? alors qu'une seule bonne demarche, adroitement conduite...
Comme je revenais a la maison, le soir du second jour, la concierge me
remit une lettre. Une reponse, deja! Je me hatai de monter jusqu'au
second etage, ou le papillon de gaz palpite dans le courant d'air.
Je m'etais assis sur une marche au rebord lime, mange par plusieurs
generations de locataires et j'allais dechirer l'enveloppe. Soudain, ma
precipitation me degouta. Je m'imposai, je reussis a m'imposer de ne
lire cette lettre que dans ma chambre, plus tard, quand je serais bien
calme. Mes mains tremblaient. On n'ouvre pas la porte de son nouveau
destin avec des mains qui tremblent.
Je montai donc assez posement les deux derniers etages. Ma mere et
Marguerite travaillaient dans la salle a manger. Je pris le temps de
leur dire bonsoir, de quitter mon pardessus, d'allumer une lampe et de
passer dans ma chambre. Je fermai la porte et posai la lettre sur la
table. Le moment etait venu d'ouvrir cette lettre, de savoir. Non! Pas
encore! Je me dechaussai, car jamais je ne reste chausse quand je suis
chez moi, dans mon trou, dans mon terrier. Je pris mes vieilles savates,
puis je fis une cigarette. De temps en temps, je jetais un coup d'oeil
oblique a cette lettre qui gisait la, comme une chose de peu
d'importance, et qui contenait tout simplement l'avenir, mon avenir.
J'attendais encore. A constater que je pouvais attendre, il me venait un
peu d'orgueil; je commencais a etre fier de moi; je commencais a
prendre, de mon caractere, une idee avantageuse.
Cette idee n'eut pas le temps de s'affermir. Brusquement, je me jetai
sur la lettre et je m'apercus, en l'ouvrant, que mes mains tremblaient,
ce que j'avais tant voulu eviter. Elles tremblaient si bien que je
faillis dechirer l'enveloppe et son contenu.
Le contenu? Je reconnus d'abord ma photographie, puis mon ecriture, ma
lettre. En travers de la page ces mots, au crayon bleu: "C'est un
secretaire femme que l'on demande. Retourner lettre et photographie a ce
jeune homme."
Je suis fait aux deconvenues, mais celle-la me remplit brusquement d'une
si etrange honte que je me sentis rougir, jusqu'aux larmes. D'un coup,
je revis le texte si particulier de cette offre d'emploi: "Personne
jeune... bonne education... celibataire... envoyer photographie."
Comment avais-je pu ne pas comprendre? Comment avais-je pu me tromper a
ce point? Et j'avais envoye ma photographie! Moi! Pour qui avais-je bien
pu passer
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