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use d'un petit air de flute et des larmes de Marguerite. Il etait environ trois heures apres midi. J'errai quelques instants de rue en rue et finis par me trouver au pied de Notre-Dame. Mon enthousiasme eut alors un effet singulier: je m'engouffrai dans l'escalier des tours et montai, d'une traite, montai jusqu'au sommet. Je fus tout etonne de m'arreter la, de n'etre pas lance dans l'espace par le vertigineux tube de pierre, comme l'obus par un canon. Ce fut une heure memorable. Seul, avec les nuages et le vent forcene, je rencontrai Salavin face a face, un Salavin sauve, degage de la foule de ces sales pensees parasites au milieu desquelles il vegete comme une plante opprimee. Pendant une heure, j'eus confiance en moi; je pris des engagements solennels, j'assumai des responsabilites, je fis des sacrifices, j'accomplis enfin des actes dignes d'un homme veritable. Tout cela dans mon coeur bien entendu. Si j'ecrivais l'histoire de ma vie, cette heure-la pourrait s'appeler la victoire du cinq novembre ou la victoire de Notre-Dame. Car ce fut une victoire, une petite victoire. J'en ressentis les effets pendant plusieurs jours. Souvent, je prenais un livre et, delaissant mon canape, je venais m'asseoir sur un petit banc, dans la clarte laiteuse des rideaux, aupres des couturieres. Je m'enfoncais dans ma lecture comme dans un sommeil touffu. Je suis, vous le voyez, assez grand, assez maigre. Le metier de bureaucrate et le mepris des exercices physiques ont voute mon dos. "Je me tiens un peu de guingois", selon l'expression de ma mere. Quand je lisais, accroupi sur mon tabouret, je sentais s'exagerer tout ce qu'il y a de defectueux dans mon attitude ordinaire. Je me tassais, je me ratatinais. Ma vie, semblait-il, fuyait, m'abandonnait pour s'en aller avec ces hommes et ces femmes dont je partageais, par la pensee, les aventures admirables. Cependant, la carcasse de Salavin se fletrissait peu a peu. Ne croyez-vous pas que, si l'on savait rever avec assez de force, il suffirait, a de tels moments, d'un tout petit choc, d'un consentement d'une seconde pour mourir? En general, j'etais tire de cet abime par la voix de maman dont les paroles me parvenaient comme a travers de grandes epaisseurs de feutre. Elle devait repeter plusieurs fois son appel avant que je revinsse a la surface du monde. J'ai toujours pense que ma mere devinait, instinctivement, cette desertion de mon esprit. Quelque chose comme le cri de la bete
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