rti, chaque jour, des le matin, pour ne rentrer que tard
dans la nuit, au moment du sommeil. Chaque soir, ma mere m'a dit que
Lanoue etait venu et m'avait attendu une heure ou deux sans trop
expliquer l'objet de sa visite.
J'ai passe mes nuits sur mon canape, a fumer, a batailler contre mes
demons.
Avant-hier matin, j'ai eu avec ma mere une discussion decisive.
S'agit-il bien d'une discussion? En realite, ma mere a parle seule.
J'allais sortir. Marguerite etait partie chercher du travail a
l'atelier. Maman mettait de l'ordre dans le logement.
--Louis, m'a-t-elle dit, assieds-toi un instant aupres de moi.
Je me suis assis. Je devais avoir un visage ferme, bleme, agite de menus
tics que je ne peux reprimer. Je ne savais ce que voulait ma mere.
J'etais, a la fois, inquiet et accable.
--Louis, m'a dit ma mere, tu auras trente ans dans deux mois.
J'ai tout de suite compris. Ma mere a parle pendant plus d'une
demi-heure. "Le moment etait venu de me marier. Je ne pouvais plus
tarder a trouver une situation. Maman s'en etait quelque peu occupee
elle-meme. Le moment etait venu pour moi de choisir une compagne. Et,
justement, n'avais-je pas, aupres de moi..."
Ah! Mere, mere, comme vous m'aimez! Comme vous me connaissez bien! Comme
vous me comprenez mal!
Je l'ai laissee parler. Elle secouait affectueusement mes mains qui
retombaient inertes. Quand elle me pressait de questions, je hochais la
tete sans repondre.
On a sonne, ce qui m'a delivre. Marguerite est entree. Aussitot, j'ai
saisi mes vetements et je suis parti, tres vite, en regardant au passage
avec une espece de ressentiment cette jeune femme qui songe a rendre
heureux un homme tel que moi.
Il y a de cela plus de quarante-huit heures. Je ne suis pas retourne a
la maison. Je n'y retournerai pas; je ne peux plus.
J'ai ecrit a maman une lettre qui n'explique rien. Le moyen d'expliquer
des choses pareilles! "Mere, lui ai-je ecrit, tu ne sais pas quel homme
je suis. Ne me demande pas de revenir aupres de toi. Ne me demande pas
d'etre heureux." Et mille autres sottises semblables qui ont du la
mettre au supplice sans l'eclaircir de rien.
Depuis bientot trois jours, je vogue dans Paris sans but, sans refuge.
Je suis calme, mais bien malheureux.
Je ne cherche pas a mourir. Je ne suis pas encore pret a mourir.
J'ai de l'argent pour deux jours. Apres je ferai de menus travaux, afin
de manger.
N'allez pas me parler de ces deux femmes, qui doivent
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