que vous voulez savoir son nom,
sachez-le: c'est Abul." La-dessus elle cacha son visage enflamme dans
ses deux mains, et fondit en larmes. Ma femme s'elanca vers elle et lui
donna un soufflet.
--Elle eut tort! s'ecria la princesse.
--Sans doute, Excellence, elle eut tort. Aussi, quand je fus revenu de
l'espece de stupeur ou cette declaration m'avait jete, j'allai prendre
ma fille par la main, et, pour la soustraire au ressentiment de sa mere,
je courus l'enfermer dans sa chambre, et je revins essayer de calmer la
Loredana. Ce ne fut pas facile; enfin, a force de la raisonner, j'obtins
qu'elle laisserait l'enfant se depiter et rougir de honte toute seule
pendant quelques heures. Je me chargeai ensuite d'aller la reprimander,
et de l'amener demander pardon a sa mere a l'heure du souper. Pour lui
donner le temps de faire ses reflexions, je suis sorti, emportant la
clef de sa chambre dans ma poche, et songeant moi-meme a ce que
je pourrais lui dire de terrible et de convenable pour la frapper
d'epouvante et la ramener a la raison. Malheureusement l'orage m'a
surpris au milieu de ma meditation, et voici que je suis force de
retourner au logis sans avoir trouve le premier mot de mon discours
paternel. J'ai bien encore trois heures avant le souper, mais Dieu sait
si les questions, les exclamations et les lamentations de la Loredana me
laisseront un quart d'heure de loisir pour me preparer a la conference.
Ah! qu'on est malheureux, Excellence, d'etre pere de famille et d'avoir
affaire a des Turcs!
--Rassurez-vous, mon digne monsieur, repondit la princesse d'un air
grave. Le mal n'est peut-etre pas aussi grand que vous l'imaginez.
Peut-etre quelques exhortations douces de votre part suffiront-elles
pour chasser l'influence du demon. Je m'occuperai, quant a moi, de
reciter des prieres et de faire dire des messes. Et puis je parlerai;
soyez sur que j'ai de l'influence sur la Mattea. S'il le faut, je
l'emmenerai a la campagne. Venez me voir demain, et amenez-la avec vous.
Cependant veillez bien a ce qu'elle ne porte aucun bijou ni aucune
etoffe que ce Turc ait touchee. Veillez aussi a ce qu'il ne fasse pas
devant elle des signes cabalistiques avec les doigts. Demandez-lui si
elle n'a pas recu de lui quelque don; et si cela est arrive, exigez
qu'elle vous le remette, et jetez-le au feu. A votre place, je ferais
exorciser la chambre. On ne sait pas quel demon peut s'en etre empare.
Allez, cher Spada, depechez-vous, et surtout t
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