it sur la tete
avec autant de soin et d'interet qu'aux plus beaux jours de sa jeunesse.
C'etait toujours la meme femme, pas beaucoup plus laide, guere plus
ridicule, aussi vide d'idees et de sentiments que par le passe. Elle
avait conserve le gout fantasque qui presidait a sa parure et qui
caracterise les femmes grecques lorsqu'elles sont depaysees, et qu'elles
veulent entasser sur elles les ornements de leur costume avec ceux des
autres pays. Veneranda avait en ce moment sur la tete un turban, des
fleurs, des plumes, des rubans, une partie de ses cheveux poudree et une
autre teinte en noir. Elle essayait d'ajouter des crepines d'or a
cet attirail qui ne la faisait pas mal ressembler a une des belettes
empanachees dont parle La Fontaine, lorsque son petit negre lui vint
annoncer qu'un jeune Grec demandait a lui parler. "Juste ciel! serait-ce
l'ingrat Zacharias? s'ecria-t-elle.
--Non, madame, repondit le negre, c'est un tres-beau jeune homme que je
ne connais pas, et qui ne veut vous parler qu'en particulier.
--Dieu soit loue! c'est un nouveau sigisbe qui me tombe du ciel,"
pensa Veneranda; et elle fit retirer les temoins en donnant l'ordre
d'introduire l'inconnu par l'escalier derobe. Avant qu'il parut, elle se
hata de donner un dernier coup d'oeil a sa glace, marcha dans la chambre
pour essayer la grace de son panier, fonca un peu son rouge, et se posa
ensuite gracieusement sur son ottomane.
Alors un jeune homme, beau comme le jour ou comme un prince de conte de
fees, et vetu d'un riche costume grec, vint se precipiter a ses pieds et
s'empara d'une de ses mains qu'il baisa avec ardeur.
"Arretez, monsieur, arretez! s'ecria Veneranda eperdue; on n'abuse pas
ainsi de l'etonnement et de l'emotion d'une femme dans le tete-a-tete.
Laissez ma main; vous voyez que je suis si tremblante que je n'ai pas la
presence d'esprit de la retirer. Qui etes-vous? au nom du ciel! et que
doivent me faire craindre ces transports imprudents?
--Helas! ma chere marraine, repondit le beau garcon, ne
reconnaissez-vous point votre filleule, la coupable Mattea, qui vient
vous demander pardon de ses torts et les expier par son repentir?"
La princesse jeta un cri en reconnaissant en effet Mattea, mais si
grande, si forte, si brune et si belle sous ce deguisement, qu'elle lui
causait la douce illusion d'un jeune homme charmant a ses pieds. "Je te
pardonnerai, a toi, lui dit-elle en l'embrassant; mais que ce miserable
Zacharias, Timothee, o
|