ler jamais sur ses brisees dans un genre
d'affaire qui le concerne exclusivement.
--Oh! je le sais, reprit Timothee d'un air grave, vous ne vous ecartez
jamais en secret de la branche d'industrie que vous exercez en public;
vous n'etes pas de ces debitants qui enlevent aux fabricants qui les
fournissent un gain legitime; non certes!"
En parlant ainsi, il le regarda fixement sans que son visage trahit la
moindre ironie; et ser Zacomo, qui, a l'egard de ses affaires, possedait
une assez bonne dose de ruse, affronta ce regard sans que son visage
trahit la moindre perfidie.
"Allons donc decider Amet, reprit Timothee, car, entre gens de bonne foi
comme nous le sommes, on doit s'entendre a demi-mot. M. Spada vient de
m'offrir pour vous, dit-il en turc a son maitre, le remboursement de
votre creance de cette annee; le jour ou vous aurez besoin d'argent, il
le tiendra a votre disposition.
--C'est bien, repondit Abul, dis a cet honnete homme que je n'en ai pas
besoin pour le moment, et que mon argent est plus en surete dans ses
mains que sur mes navires. La foi d'un homme vertueux est un roc en
terre ferme, les flots de la mer sont comme la parole d'un larron.
--Mon maitre m'accorde la permission de conclure cette affaire avec vous
de la maniere la plus loyale et la plus avantageuse aux deux parties,
dit Timothee a M. Spada; nous en parlerons donc dans le plus grand
detail demain, et si vous voulez que nous allions ensemble examiner la
marchandise dans le port, j'irai vous prendre de bonne heure.
--Dieu soit loue! s'ecria M. Spada, et que dans sa justice il daigne
convertir a la vraie foi l'ame de ce noble musulman!"
Apres cette exclamation ils se separerent, et M. Spada reconduisit sa
fille jusque dans sa chambre, ou il l'embrassa avec tendresse, lui
demandant pardon dans son coeur de s'etre servi de sa passion comme d'un
enjeu; puis il se mit en devoir d'examiner ses comptes de la journee.
Mais il ne fut pas longtemps tranquille, car madame Loredana vint le
trouver avec un coffre a la main. C'etaient quelques bardes qu'elle
venait de preparer pour sa fille, et elle exigeait que son mari la
conduisit chez le princesse le lendemain des le point du jour. M. Spada
n'etait plus aussi presse d'eloigner Mattea; il tacha d'eluder ces
sommations; mais voyant qu'elle etait decidee a la conduire elle-meme
dans un couvent s'il hesitait a l'emmener, il fut force de lui avouer
que la reussite de son affaire dependait seulement
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