e d'obtenir et tres-glorieux de fixer.
Sa plus chere et sa plus legitime esperance dans la vie etait de se
trouver un jour assez riche pour s'etablir en Italie ou en France, et
pour etre affranchi de toute domination. Il avait pourtant une vive et
sincere affection pour Abul, son excellent maitre. Quand il faisait des
tours d'adresse a ce credule patron (et c'etait toujours pour le servir,
car Abul se fut ruine en un jour s'il eut ete livre a ses propres idees
dans la conduite des affaires); quand, dis-je, il le trompait pour
l'enrichir, c'etait sans jamais avoir l'idee de se moquer de lui, car il
l'estimait profondement, et ce qui etait a ses yeux de la stupidite chez
ses autres maitres devenait de la grandeur chez Abul.
Malgre cet attachement, il desirait se reposer de cette vie de travail,
ou au moins en jouir par lui-meme, et ne plus user ses facultes au
service d'autrui. Une grande operation l'eut enrichi s'il eut eu
beaucoup d'argent; mais, n'en ayant, pas assez, il n'en voulait pas
faire de petites, et surtout il repoussait avec un froid et silencieux
mepris les insinuations de ceux qui voulaient l'interesser aux leurs aux
depens d'Abul-Amet. M. Spada n'y avait pas manque; mais, comme Timothee
n'avait pas voulu comprendre, le digne marchand de soieries se flattait
d'avoir ete assez habile en echouant pour ne pas se trahir.
Un mariage avantageux etait la principale utopie de Timothee. Il
n'imaginait rien de plus beau que de conquerir son existence, non sur
des sots et des laches, mais sur le coeur d'une femme d'esprit. Mais,
comme il ne voulait pas vendre son honneur a une vieille et laide
creature, comme il avait l'ambition d'etre heureux en meme temps que
riche, et qu'il voulait la rencontrer et la conquerir jeune, belle,
aimable et spirituelle, on pense bien qu'il ne trouvait pas souvent
l'occasion d'esperer. Cette fois enfin, il l'avait touchee du doigt,
cette esperance. Depuis longtemps il essayait d'attirer l'attention de
Mattea, et il avait reussi a lui inspirer de l'estime et de l'amitie. La
decouverte de son amour pour Abul l'avait bouleverse un instant; mais,
en y reflechissant, il avait compris combien peu de crainte devait lui
inspirer cet amour fantasque, reve d'un enfant en colere qui veut fuir
ses pedagogues, et qui parle d'aller dans l'ile des Fees. Un instant
aussi il avait failli renoncer a son entreprise, non plus par
decouragement, mais par degout; car il voulait aimer Mattea en la
posseda
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