de quelques jours de
plus de la presence de Mattea dans la boutique. Cette nouvelle irrita
beaucoup la Loredana; mais ce fut bien pis lorsque ayant fait subir un
interrogatoire implacable a son epoux, elle lui fit confesser qu'au lieu
d'aller chez la princesse dans la soiree, il avait parle au musulman
dans un cafe en presence de Mattea. Elle devina les circonstances
aggravantes que celait encore M. Spada, et les lui ayant arrachees
par la ruse, elle entra dans une juste colere contre lui et l'accabla
d'injures violentes mais trop meritees.
Au milieu de cette querelle, Mattea, a demi deshabillee, entra, et se
mettant a genoux entre eux deux: "Ma mere, dit-elle, je vois que je suis
un sujet de trouble et de scandale dans cette maison; accordez-moi la
permission d'en sortir pour jamais. Je viens d'entendre le sujet de
votre dispute. Mon pere suppose qu'Abul-Amet a le desir de m'epouser,
et vous, ma mere, vous supposez qu'il a celui de me seduire et de
m'enfermer dans son harem avec ses concubines. Sachez que vous vous
trompez tous deux. Abul est un honnete homme a qui sa religion defend
sans doute de m'epouser, car il n'y songe pas, mais qui, ne m'ayant
point achetee, ne songera jamais a me traiter comme une concubine. Je
lui ai demande sa protection et une existence modeste en travaillant
dans ses ateliers; il me l'accorde; donnez-moi votre benediction, et
permettez-moi d'aller vivre a l'ile de Scio. J'ai lu un livre chez
ma marraine dans lequel j'ai vu que c'etait un beau pays, paisible,
industrieux, et celui de toute la Grece ou les Turcs exercent une
domination plus douce. J'y serai pauvre, mais libre, et vous serez plus
tranquille quand vous n'aurez plus, vous, ma mere, un objet de haine;
vous, mon pere, un sujet d'alarmes. J'ai vu aujourd'hui combien le soin
de vos richesses a d'empire sur votre ame; mon exil vous tiendra quitte
de la dot sans laquelle Checo ne m'eut point epousee, et, cette dot
depassera de beaucoup les deux mille sequins auxquels vous eussiez
sacrifie le repos et l'honneur de votre fille, si Abul n'eut ete un
honnete homme, digne de respect encore plus que d'amour."
En achevant ce discours, que ses parents ecouterent jusqu'au bout,
paralyses qu'ils etaient par la surprise, la romanesque enfant, levant
ses beaux yeux au ciel, invoqua l'image d'Abul pour se donner de la
force; mais en un instant elle fut renversee sur une chaise et rudement
frappee par sa mere, qui etait reellement folle dans la
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