ute autre qu'elle eut songe a se sauver dans un couvent, refuge
ordinaire, en ce temps-la, des filles coupables ou desolees. Mais elle
avait une invincible mefiance et une espece de haine pour tout ce qui
portait un habit religieux. Son confesseur l'avait trahie dans de
soi-disant bonnes intentions en discourant avec sa mere et de la
confession recue et de la penitence fructueuse a imposer. Mattea le
savait, et, forcee de retourner vers lui, elle avait eu la fermete de
refuser et la penitence et l'absolution. Menacee par le confesseur, elle
l'avait menace a son tour d'aller se jeter aux pieds du patriarche et de
lui tout declarer. C'etait une menace qu'elle n'aurait point executee,
car la pauvre opprimee eut craint de trouver dans le patriarche lui-meme
un oppresseur plus puissant; mais elle avait reussi a effrayer le
pretre, et depuis ce temps le secret de sa confession avait ete
respecte.
Mattea, s'imaginant que toute nonne ou pretre a qui elle aurait recours,
bien loin de prendre sa defense, la livrerait a sa mere et rendrait
sa chaine plus pesante, repoussait non-seulement l'idee d'implorer de
telles gens, mais encore celle de fuir. Elle chassait vite ce projet
dans la singuliere crainte de le faire echouer en etant forcee de s'en
confesser, et, par une sorte de jesuitisme naturel aux ames feminines,
elle se persuadait n'avoir eu que d'involontaires velleites de fuite,
tandis qu'elle conservait solide et intacte dans je ne sais quel repli
cache de son coeur la volonte de partir a la premiere occasion.
Elle eut pu chercher dans les offres ou seulement dans les desirs
naissants de quelque adorateur une garantie de protection et de salut;
mais Mattea, aussi chaste que son age, n'y avait jamais pense; il y
avait dans les regards avides que sa beaute attirait sur elle quelque
chose d'insolent qui blessait son orgueil au lieu de le flatter, et qui
l'augmentait dans un sens tout oppose a la puerile vanite des jeunes
filles. Elle n'etait occupee qu'a se creer un maintien froid et
dedaigneux qui eloignat toute entreprise impertinente, et elle faisait
si bien que nulle parole d'amour n'avait ose arriver jusqu'a son
oreille, aucun billet jusqu'a la poche de son tablier.
Mais comme elle agissait ainsi par disposition naturelle et non par
suite des lecons emphatiques de sa mere, elle ne repoussait pas
absolument l'espoir de trouver un coeur noble, une amitie solide et
desinteressee, qui consentit a la sauver sans rien exige
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