e des fenetres situees au-dessus de la, boutique de Zacomo; et comme
ses regards se portaient furtivement de ce cote, il apercut dans une
mitaine de soie noire un beau bras de femme qui semblait lui faire
signe, mais qui se retira timidement avant qu'il eut pu s'en assurer. Ce
manege ayant recommence, Timothee, sans affectation, rapprocha sa petite
table et sa chaise de la fenetre mysterieuse. Alors ce qu'il avait prevu
arriva; une lettre tomba dans la corbeille ou etaient ses macarons au
girofle. Il la prit fort tranquillement et la cacha dans sa bourse, tout
en remarquant l'anxiete de Loredana, qui a chaque instant s'approchait
de la vitre du rez-de-chaussee pour l'observer; mais elle n'avait rien
vu. Timothee rentra dans la salle du cafe et lut le billet suivant;
il l'ouvrit sans facon, ayant recu une fois pour toutes de son maitre
l'autorisation de lire les lettres qui lui seraient adressees, et
sachant bien d'ailleurs qu'Abul ne pourrait se passer de lui pour en
comprendre le sens.
"Abul-Amet, je suis une pauvre fille opprimee et maltraitee; je sais que
votre vaisseau va mettre a la voile dans quelques jours; voulez-vous me
donner un petit coin pour que je me refugie en Grece? Vous etes bon et
genereux, a ce qu'on dit; vous me protegerez, vous me mettrez dans votre
palais; ma mere m'a dit que vous aviez plusieurs femmes et beaucoup
d'enfants; j'eleverai vos enfants et je broderai pour vos femmes, ou je
preparerai la soie dans vos ateliers, je serai une espece d'esclave;
mais, comme etrangere, vous aurez des egards et des bontes particulieres
pour moi, vous ne souffrirez pas qu'on me persecute pour me faire
abandonner ma religion, ni qu'on me traite avec trop de dedain. J'espere
en vous et en un Dieu qui est celui de tous les hommes.
MATTEA."
Cette lettre parut si etrange a Timothee qu'il la relut plusieurs fois
jusqu'a ce qu'il en eut penetre le sens. Comme il n'etait pas homme a
comprendre a demi, lorsqu'il voulait s'en donner la peine, il vit, dans
cet appel a la protection d'un inconnu, quelque chose qui ressemblait a
de l'amour et qui pourtant n'etait pas de l'amour. Il avait vu souvent
les grands yeux noirs de Mattea s'attacher avec une singuliere
expression de doute, de crainte et d'espoir sur le beau visage
d'Abul; il se rappelait la mauvaise humeur de la mere et son desir de
l'eloigner; il reflechit sur ce qu'il avait a faire, puis il alluma sa
pipe avec la lettre, paya son sorbet, et marcha a la renco
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