int de l'avis du comte de Norfolk; puis le temps, au lieu
de se couvrir de vapeur comme il le fait en ce moment, fut-il
parfaitement pur et favorable, nous devons bien quelques heures a
l'officier qui nous a conduites si heureusement et avec des soins
si empresses jusqu'en vue des cotes de France, ou il doit nous
quitter.
Buckingham, au lieu de repondre, consulta le regard de Madame.
Madame, a demi cachee sous les courtines de velours et d'or qui
l'abritaient, n'ecoutait rien de ce debat, occupee qu'elle etait a
regarder le comte de Guiche qui s'entretenait avec Raoul.
Ce fut un nouveau coup pour Buckingham, qui crut decouvrir dans le
regard de Madame Henriette un sentiment plus profond que celui de
la curiosite.
Il se retira tout chancelant et alla heurter le grand mat.
-- M. de Buckingham n'a pas le pied marin, dit en francais la
reine mere; voila sans doute pourquoi il desire si fort toucher la
terre ferme.
Le jeune homme entendit ces mots, palit, laissa tomber ses mains
avec decouragement a ses cotes, et se retira confondant dans un
soupir ses anciennes amours et ses haines nouvelles. Cependant
l'amiral, sans se preoccuper autrement de cette mauvaise humeur de
Buckingham, fit passer les princesses dans sa chambre de poupe, ou
le diner avait ete servi avec une magnificence digne de tous les
convives.
L'amiral prit place a droite de Madame et mit le comte de Guiche a
sa gauche.
C'etait la place qu'occupait d'ordinaire Buckingham.
Aussi, lorsqu'il entra dans la salle a manger, fut-ce une douleur
pour lui que de se voir releguer par l'etiquette, cette autre
reine a qui il devait le respect, a un rang inferieur a celui
qu'il avait tenu jusque-la. De son cote, de Guiche, plus pale
encore peut-etre de son bonheur que son rival ne l'etait de sa
colere, s'assit en tressaillant pres de la princesse, dont la robe
de soie, en effleurant son corps, faisait passer dans tout son
etre des frissons d'une volupte jusqu'alors inconnue.
Apres le repas, Buckingham s'elanca pour donner la main a Madame.
Mais ce fut au tour de de Guiche de faire la lecon au duc.
-- Milord, dit-il, soyez assez bon, a partir de ce moment, pour ne
plus vous interposer entre Son Altesse Royale Madame et moi. A
partir de ce moment, en effet, Son Altesse Royale appartient a la
France, et c'est la main de Monsieur, frere du roi, qui touche la
main de la princesse quand Son Altesse Royale me fait l'honneur de
me toucher la main.
Et,
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