un silence de mort,
annonca a Henri que le roi Charles IX voulait lui parler.
Il n'y avait point de resistance a tenter, personne n'en eut meme
la pensee. On entendait les plafonds, les galeries et les
corridors du Louvre craquer sous les pieds des soldats reunis tant
dans les cours que dans les appartements, au nombre de pres de
deux mille. Henri, apres avoir pris conge de ses amis, qu'il ne
devait plus revoir, suivit donc Tavannes, qui le conduisit dans
une petite galerie contigue au logis du roi, ou il le laissa seul,
sans armes et le coeur gonfle de toutes les defiances.
Le roi de Navarre compta ainsi, minute par minute, deux mortelles
heures, ecoutant avec une terreur croissante le bruit du tocsin et
le retentissement des arquebusades; voyant, par un guichet vitre,
passer, a la lueur de l'incendie, au flamboiement des torches, les
fuyards et les assassins; ne comprenant rien a ces clameurs de
meurtre et a ces cris de detresse; ne pouvant soupconner enfin,
malgre la connaissance qu'il avait de Charles IX, de la reine mere
et du duc de Guise, l'horrible drame qui s'accomplissait en ce
moment.
Henri n'avait pas le courage physique; il avait mieux que cela, il
avait la puissance morale: craignant le danger, il l'affrontait en
souriant, mais le danger du champ de bataille, le danger en plein
air et en plein jour, le danger aux yeux de tous,
qu'accompagnaient la stridente harmonie des trompettes et la voix
sourde et vibrante des tambours... Mais la, il etait sans armes,
seul, enferme, perdu dans une demi-obscurite, suffisante a peine
pour voir l'ennemi qui pouvait se glisser jusqu'a lui et le fer
qui le voulait percer. Ces deux heures furent donc pour lui les
deux heures peut-etre les plus cruelles de sa vie.
Au plus fort du tumulte, et comme Henri commencait a comprendre
que, selon toute probabilite, il s'agissait d'un massacre
organise, un capitaine vint chercher le prince et le conduisit,
par un corridor, a l'appartement du roi. A leur approche la porte
s'ouvrit, derriere eux la porte se referma, le tout comme par
enchantement, puis le capitaine introduisit Henri pres de Charles
IX, alors dans son cabinet des Armes.
Lorsqu'ils entrerent, le roi etait assis dans un grand fauteuil,
ses deux mains posees sur les deux bras de son siege et la tete
retombant sur sa poitrine. Au bruit que firent les nouveaux venus,
Charles IX releva son front, sur lequel Henri vit couler la sueur
par grosses gouttes.
-- Bonso
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