me le
dire, tu sais combien je suis curieuse.
-- Un pauvre jeune homme beau comme le Nisus de Benvenuto Cellini,
et qui s'est venu refugier dans mon appartement.
-- Oh! oh! ... et tu ne l'avais pas un peu convoque?
-- Pauvre garcon! ne ris donc pas ainsi, Henriette, car en ce
moment il est encore entre la vie et la mort.
-- Il est donc malade?
-- Il est grievement blesse.
-- Mais c'est tres genant, un huguenot blesse! surtout dans des
jours comme ceux ou nous nous trouvons; et qu'en fais-tu de ce
huguenot blesse qui ne t'est rien et ne te sera jamais rien?
-- Il est dans mon cabinet; je le cache et je veux le sauver.
-- Il est beau, il est jeune, il est blesse. Tu le caches dans ton
cabinet, tu veux le sauver; ce huguenot-la sera bien ingrat s'il
n'est pas trop reconnaissant!
-- Il l'est deja, j'en ai bien peur... plus que je ne le
desirerais.
-- Et il t'interesse... ce pauvre jeune homme?
-- Par humanite... seulement.
-- Ah! l'humanite, ma pauvre reine! c'est toujours cette vertu-la
qui nous perd, nous autres femmes!
-- Oui, et tu comprends: comme d'un moment a l'autre le roi, le
duc d'Alencon, ma mere, mon mari meme... peuvent entrer dans mon
appartement...
-- Tu veux me prier de te garder ton petit huguenot, n'est-ce pas,
tant qu'il sera malade, a la condition de te le rendre quand il
sera gueri?
-- Rieuse! dit Marguerite. Non, je te jure que je ne prepare pas
les choses de si loin. Seulement, si tu pouvais trouver un moyen
de cacher le pauvre garcon; si tu pouvais lui conserver la vie que
je lui ai sauvee; eh bien, je t'avoue que je t'en serais
veritablement reconnaissante! Tu es libre a l'hotel de Guise, tu
n'as ni beau-frere, ni mari qui t'espionne ou qui te contraigne,
et de plus derriere ta chambre, ou personne, chere Henriette, n'a
heureusement pour toi le droit d'entrer, un grand cabinet pareil
au mien. Eh bien, prete-moi ce cabinet pour mon huguenot; quand il
sera gueri tu lui ouvriras la cage et l'oiseau s'envolera.
-- Il n'y a qu'une difficulte, chere reine, c'est que la cage est
occupee.
-- Comment! tu as donc aussi sauve quelqu'un, toi?
-- C'est justement ce que j'ai repondu a ton frere.
-- Ah! je comprends; voila pourquoi tu parlais si bas que je ne
t'ai pas entendue.
-- Ecoute, Marguerite, c'est une histoire admirable, non moins
belle, non moins poetique que la tienne. Apres t'avoir laisse six
de mes gardes, j'etais montee avec les six autres a l'hotel d
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