us avez, ma foi, raison, ma mere! a demain la chose, cela
vaut mieux! Ainsi, faites vos invitations, je ferai les miennes,
ou plutot nous n'inviterons personne. Nous dirons seulement que
nous y allons; cela fait, tout le monde sera libre. Adieu, ma
mere! je vais sonner du cor.
-- Vous vous epuiserez, Charles! Ambroise Pare vous le dit sans
cesse, et il a raison; c'est un trop rude exercice pour vous.
-- Bah! bah! bah! dit Charles, je voudrais bien etre sur de ne
mourir que de cela. J'enterrerais tout le monde ici, et meme
Henriot, qui doit un jour nous succeder a tous, a ce que pretend
Nostradamus.
Catherine fronca le sourcil.
-- Mon fils, dit-elle, defiez-vous surtout des choses qui
paraissent impossibles, et, en attendant, menagez-vous.
-- Deux ou trois fanfares seulement pour rejouir mes chiens, qui
s'ennuient a crever, pauvres betes! j'aurais du les lacher sur le
huguenot, cela les aurait rejouis.
Et Charles IX sortit de la chambre de sa mere, entra dans son
cabinet d'Armes, detacha un cor, en sonna avec une vigueur qui eut
fait honneur a Roland lui-meme. On ne pouvait pas comprendre
comment, de ce corps faible et maladif et de ces levres pales,
pouvait sortir un souffle si puissant.
Catherine attendait en effet quelqu'un, comme elle l'avait dit a
son fils. Un instant apres qu'il fut sorti, une de ses femmes vint
lui parler tout bas. La reine sourit, se leva, salua les personnes
qui lui faisaient la cour et suivit la messagere.
Le Florentin Rene, celui auquel le roi de Navarre, le soir meme de
la Saint-Barthelemy, avait fait un accueil si diplomatique, venait
d'entrer dans son oratoire.
-- Ah! c'est vous, Rene! lui dit Catherine, je vous attendais avec
impatience. Rene s'inclina.
-- Vous avez recu hier le petit mot que je vous ai ecrit?
-- J'ai eu cet honneur.
-- Avez-vous renouvele, comme je vous le disais, l'epreuve de cet
horoscope tire par Ruggieri et qui s'accorde si bien avec cette
prophetie de Nostradamus, qui dit que mes fils regneront tous
trois?... Depuis quelques jours, les choses sont bien modifiees,
Rene, et j'ai pense qu'il etait possible que les destinees fussent
devenues moins menacantes.
-- Madame, repondit Rene en secouant la tete, Votre Majeste sait
bien que les choses ne modifient pas la destinee; c'est la
destinee au contraire qui gouverne les choses.
-- Vous n'en avez pas moins renouvele le sacrifice, n'est-ce pas?
-- Oui, madame, repondit Rene, car vous obei
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