re; Francois detestait Henri et
n'avait conserve la neutralite en faveur du Bearnais que parce
qu'il etait convaincu que Henri et sa femme etaient restes
etrangers l'un a l'autre. Une marque d'interet donnee par
Marguerite a son epoux pouvait en consequence, au lieu de
l'ecarter, rapprocher de sa poitrine un des trois poignards qui le
menacaient.
Marguerite frissonna donc en apercevant le jeune prince plus
qu'elle n'eut frissonne en apercevant le roi Charles IX ou la
reine mere elle-meme. On n'eut point dit d'ailleurs, en le voyant,
qu'il se passat quelque chose d'insolite par la ville, ni au
Louvre; il etait vetu avec son elegance ordinaire. Ses habits et
son linge exhalaient ces parfums que meprisait Charles IX, mais
dont le duc d'Anjou et lui faisaient un si continuel usage.
Seulement, un oeil exerce comme l'etait celui de Marguerite
pouvait remarquer que, malgre sa paleur plus grande que
d'habitude, et malgre le leger tremblement qui agitait l'extremite
de ses mains, aussi belles et aussi soignees que des mains de
femme, il renfermait au fond de son coeur un sentiment joyeux.
Son entree fut ce qu'elle avait l'habitude d'etre. Il s'approcha
de sa soeur pour l'embrasser. Mais, au lieu de lui tendre ses
joues, comme elle eut fait au roi Charles ou au duc d'Anjou,
Marguerite s'inclina et lui offrit le front.
Le duc d'Alencon poussa un soupir, et posa ses levres blemissantes
sur ce front que lui presentait Marguerite.
Alors, s'asseyant, il se mit a raconter a sa soeur les nouvelles
sanglantes de la nuit; la mort lente et terrible de l'amiral; la
mort instantanee de Teligny, qui, perce d'une balle, rendit a
l'instant meme le dernier soupir. Il s'arreta, s'appesantit, se
complut sur les details sanglants de cette nuit avec cet amour du
sang particulier a lui et a ses deux freres. Marguerite le laissa
dire.
Enfin, ayant tout dit, il se tut.
-- Ce n'est pas pour me faire ce recit seulement que vous etes
venu me rendre visite, n'est-ce pas, mon frere? demanda
Marguerite.
Le duc d'Alencon sourit.
-- Vous avez encore autre chose a me dire?
-- Non, repondit le duc, j'attends.
-- Qu'attendez-vous?
-- Ne m'avez-vous pas dit, chere Marguerite bien-aimee, reprit le
duc en rapprochant son fauteuil de celui de sa soeur, que ce
mariage avec le roi de Navarre se faisait contre votre gre.
-- Oui, sans doute. Je ne connaissais point le prince de Bearn
lorsqu'on me l'a propose pour epoux.
-- Et depuis que
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