letta, le cardinal prince
Farnese...
Claude, en revenant a lui, reconnut le cardinal. Il se releva, repoussa
rudement Farnese, et, avec un eclat de rire infernal, s'elanca hors de
la chambre. Quelques secondes plus tard, il reparaissait, une lourde
hache au poing. Le cardinal n'avait pas bouge.
Claude s'apercut alors d'une chose qu'il n'avait pas remarquee tout
d'abord... Le matin, dans la cathedrale, les longs et fins cheveux du
cardinal et sa barbe soyeuse etaient presque noirs... Maintenant, cette
barbe et ces cheveux etaient blancs... Le cardinal Farnese avait vieilli
de vingt ans en quelques heures...
Claude fit cette remarque sans y attacher aucune importance. Il s'avanca
sur Farnese en grondant:
--Merci, pretre! je t'avais oublie, tu viens me rappeler qu'avant de
mourir!...
--Je viens te rappeler que tu as autre chose a faire que de mourir, dit
Farnese d'une voix etrangement calme.
--Qu'ai-je donc a faire! rugit Claude dont les yeux devenaient hagards.
Te tuer avant de mourir?...
--Tue-moi si tu veux; je venais te dire qu'il nous reste a venger
l'enfant...
--La venger? begaya Claude.
--Cette femme, dit Farnese, qui a profite de ton absence denoncee par
je ne sais quel demon, cette femme aux pieds de laquelle je viens de
me trainer deux heures durant, qui m'a employe, moi, au meurtre de
l'enfant... que j'appelais Saintete, que tu appelais Souveraine,
l'assassin de ma fille... bourreau, veux-tu donc qu'elle vive?...
Claude saisit le bras de Farnese et le serra avec violence.
--Bourreau, continua Farnese, je suis venu te dire ceci: veux-tu m'aider
a frapper cette femme? Elle represente une redoutable puissance. Son
pouvoir est sans bornes. Son approche peut nous briser comme verre. Un
signe d'elle peut nous tuer. Eh bien, aimais-tu assez l'enfant pour
devenir mon aide? mon aide pendant une seule annee... Non seulement mon
aide, mais mon esclave?
Claude avait ecoute en fremissant de tout son etre. Une sombre joie
s'alluma dans ses yeux eperdus.
--Monseigneur, repondit-il dans un souffle, a partir de cette minute, je
vous appartiens corps et ame, pomme vous m'appartiendrez corps et ame
quand ce sera fait!
Avec une effroyable serenite, Farnese s'assit a la table sur laquelle se
trouvaient parchemin et ecritoire.
--Echangeons en ce cas les ecritures necessaires a notre ligue, dit-il.
Sur une feuille de parchemin, il ecrivit:
"Ce 14 de mai de l'an 1588. Moi, prince Farnese, cardina
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