evoirs est d'eclairer notre
idee du devoir. Le mot _devoir_ contient souvent bien plus d'erreurs et de
nonchalance morale qu'il ne renferme de vertus, Clytemnestre devoue sa vie
a venger sur Agamemnon la mort d'Iphigenie, et Oreste sacrifie la sienne a
venger sur Clytemnestre la mort d'Agamemnon. Mais il a suffi qu'un sage
passat en disant: "Pardonnez a vos ennemis", pour que tous les devoirs de
la vengeance fussent effaces de la conscience humaine. Il suffira peut-etre
qu'un autre sage passe un jour, pour que la plupart des devoirs du
sacrifice en soient egalement bannis. En attendant, certaines idees sur le
renoncement, la resignation et le sacrifice epuisent plus profondement que
de grands vices et que des crimes meme, les plus belles forces morales de
l'humanite.
LXV
Oui, la resignation est bonne et necessaire devant les faits generaux et
inevitables de la vie, mais sur tous les points ou la lutte est possible,
la resignation n'est que de l'ignorance, de l'impuissance ou de la paresse
deguisees. Il en est de meme du sacrifice, qui n'est trop souvent que le
bras affaibli que la resignation agite encore dans le vide. Il est beau de
savoir se sacrifier simplement, lorsque le sacrifice vient au-devant de
nous et qu'il apporte un bonheur veritable aux autres hommes; mais il n'est
ni sage ni utile de consacrer sa vie a la recherche du sacrifice, et de
regarder cette recherche comme le plus beau triomphe de l'esprit sur la
chair. (Pour le dire en passant, on attache d'ordinaire une importance
infiniment trop grande aux triomphes de l'esprit sur la chair; et ces
pretendus triomphes ne sont le plus souvent que des defaites totales de la
vie.) Le sacrifice peut etre une fleur que la vertu cueille en passant,
mais ce n'est pas pour la cueillir qu'elle s'est mise en route. C'est une
grave erreur de croire que la beaute d'une ame se trouve dans son avidite
du sacrifice; sa beaute feconde reside dans sa conscience et dans
l'elevation et la puissance de sa vie. Il est vrai qu'il y a des ames qui
ne se sentent vivre que dans le sacrifice; mais il est vrai aussi que ce
sont des ames qui n'ont pas le courage ou la force d'aller a la recherche
d'une autre vie morale. Il est en general beaucoup plus facile de se
sacrifier, c'est-a-dire d'abandonner sa vie morale, au profit de qui veut
bien la prendre, que d'accomplir sa destinee morale et de remplir jusqu'au
bout la tache pour laquelle la nature nous avait crees. Il est, en g
|