ite, a la beaute et a la profondeur des lois les plus humbles
et les plus quotidiennes de la vie. On apprend a les admirer justement
parce qu'elles sont si generales, si uniformes, si quotidiennes. On cherche
et on attend de moins en moins l'extraordinaire: car on ne tarde pas a
reconnaitre que ce qu'il y a de plus extraordinaire dans le vaste mouvement
paisible et monotone de la nature, ce sont les exigences enfantines de
notre ignorance et de notre vanite. On ne demande plus aux heures qui
passent des evenements etranges et merveilleux, car les evenements
merveilleux n'arrivent qu'a ceux qui n'ont pas encore confiance en
eux-memes ou dans la vie. On n'attend plus, les bras croises, l'occasion
d'un acte surhumain, car on sent qu'on existe dans tous les actes humains.
On ne demande plus que l'amour, l'amitie et la mort se presentent a nous,
pares d'ornements imaginaires, entoures de coincidences et de presages
prodigieux, on sait les accueillir dans leur simplicite et dans leur nudite
reelles. On se convainc enfin qu'on peut trouver l'equivalent de l'heroisme
et de tout ce qui constitue aux yeux des faibles, des inconscients et des
inquiets, le sublime et l'exceptionnel, dans l'existence bravement et
completement acceptee. On ne se croit plus le fils unique et prefere de
l'univers; mais on augmente sa conscience, on eclaire son sourire et sa
serenite de tout ce qu'on enleve a son orgueil.
Quand nous sommes arrives a ce point, les aventures miraculeuses d'une
sainte Therese ou d'un Jean de la Croix, l'extase des mystiques, les
incidents surnaturels des amours legendaires, l'etoile d'un Alexandre ou
d'un Napoleon, nous paraissent de bien pueriles illusions, compares a la
bonne et saine loyaute d'une sagesse humaine et sincere, qui ne songe pas a
s'elever au-dessus des hommes pour eprouver ce qu'ils n'eprouvent pas, mais
sait trouver dans ce que tous eprouveront toujours, ce qui est necessaire
pour elargir le coeur et la pensee. Ce n'est pas en voulant etre autre
chose qu'un homme qu'on devient un homme veritable. Que d'etres usent ainsi
leur vie a attendre l'apparition d'une comete invraisemblable, qui ne
songent jamais a regarder les autres astres parce qu'ils sont vus de tous
et qu'ils sont innombrables! Le desir de l'extraordinaire est souvent le
grand mal des ames ordinaires. Il faudrait se dire, au contraire, que plus
ce qui nous arrive nous parait normal, general, uniforme, plus nous
parvenons a discerner et a aimer
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