as de chance, fit Bibi a Coco, c'est un zig, quoique ratichon.
--Ca, pour sur que celui-la n'a jamais fait de mal a personne.
Et ils se regarderent.
--Si qu'on allait le ramasser? Ils vont le pietiner.
--J'allais te l'offrir. Ca epatera les Versaillais.
Et ils coururent au pauvre pretre, etendu sur une jonchee de fleurs
d'acacias, les cotes broyees, mais respirant encore.
--M'sieu Garbut.... M'sieu le cure, ca ne va donc pas? C'est nous,
Coco et Bibi, les mauvais du catechisme. Ou voulez-vous qu'on vous
transbahute?
Le moribond souleva la paupiere, les regarda et sourit. La reponse
muette etait dans l'angelisme du sourire, elle disait: "La-haut, aux
pieds de madame Mere!" Mais les jeunes mecreants ne savaient pas la
langue. Ils comprirent pourtant quelque chose, d'assez vague il est
vrai, dans le dernier voeu tacite du "calotin", et qu'il s'agissait
de deviner. "Quoi qu'il veut?" se demandaient-ils, assez profondement
remues par cette agonie sans plaintes, extatique et pour eux
inexplicable.
L'art de bien mourir est celui que, dans toutes les classes, le Parisien
de Paris admire le plus, parce qu'il y excelle. C'est meme a ce signe
certain qu'on reconnait l'autochtone. Ce gout ethnique, et tout gaulois,
je pense, pour la mort, est le secret de l'espece de joie qui a regne,
sous la Commune, chez les federes, et qui, pendant le bombardement,
monta jusqu'a la blague. C'est la caracteristique de nos insurrections
francaises. Or, l'abbe Garbut mourait en chretien et nos deux titis,
mauvais clercs en choses de la foi, se labouraient l'entendement pour
imaginer ce que pouvait encore souhaiter le pauvre serviteur de Dieu,
qui avait ete tres doux pour eux, pendant les quinze jours "rasants" de
la catechisation.
--Ca y est, j'y suis, fit tout a coup Bibi, viens, oust, et pas
accelere!
Et il entraina Coco a la course. La troupe, longeant les boutiques
closes, arrivait sous les arbres de l'avenue. Un officier, suivi de son
peloton, se hatait vers le pretre. Il vit les deux voyous se glisser
dans l'eglise, et se doutant bien a qui il avait affaire, il depecha
quatre hommes a la garde des issues, puis s'occupa du mourant, dont
l'ame palpitait et battait des ailes pour le grand voyage.
Comme il n'y avait pas d'ambulances pour les blesses de la guerre
civile, on souleva l'abbe a bras d'hommes, pour le transporter a une
pharmacie voisine, lorsque, sur le seuil du porche, le couple des momes
reparut.
L'un et l
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