quenard, j'aurai Poquelin.
-- C'est merveilleux! s'ecria d'Artagnan abasourdi... Allez, mon
ami, je vous ecoute avec admiration.
-- Ce Coquelin esquissa donc mon bras sur le miroir.
-- Poquelin. Pardon.
-- Comment ai-je donc dit?
-- Vous avez dit Coquelin.
-- Ah! c'est juste. Ce Poquelin esquissa donc mon bras sur le
miroir; mais il y mit le temps; il me regardait beaucoup; le fait
est que j'etais tres beau. "Cela vous fatigue? demanda-t-il. -- Un
peu, repondis-je en pliant sur les jarrets; cependant le peux
tenir encore une heure. -- Non, non, je ne le souffrirai pas! Nous
avons ici des garcons complaisants qui se feront un devoir de vous
soutenir les bras, comme autrefois on soutenait ceux des prophetes
quand ils invoquaient le Seigneur. -- Tres bien! repondis-je. --
Cela ne vous humiliera pas? -- Mon ami, lui dis-je, il y a, je le
crois, une grande difference entre etre soutenu et etre mesure."
-- La distinction est pleine de sens, interrompit d'Artagnan.
-- Alors, continua Porthos, il fit un signe; deux garcons
s'approcherent; l'un me soutint le bras gauche, tandis que
l'autre, avec infiniment d'adresse, me soutenait le bras droit.
"-- Un troisieme garcon! dit-il.
"Un troisieme garcon s'approcha.
"-- Soutenez les reins de monsieur, dit-il.
"Le garcon me soutint les reins."
-- De sorte que vous posiez? demanda d'Artagnan.
-- Absolument, et Poquenard me dessinait sur la glace.
-- Poquelin, mon ami.
-- Poquelin, vous avez raison. Tenez, decidement, j'aime encore
mieux l'appeler Voliere.
-- Oui, et que ce soit fini, n'est-ce pas?
-- Pendant ce temps-la, Voliere me dessinait sur la glace.
-- C'etait galant.
-- J'aime fort cette methode: elle est respectueuse et met chacun
a sa place.
-- Et cela se termina?...
-- Sans que personne m'eut touche, mon ami.
-- Excepte les trois garcons qui vous soutenaient?
-- Sans doute; mais je vous ai deja expose, je crois, la
difference qu'il y a entre soutenir et mesurer.
-- C'est vrai, repondit d'Artagnan, qui se dit ensuite a lui-meme:
Ma foi! ou je me trompe fort, ou j'ai valu la une bonne aubaine a
ce coquin de Moliere, et nous en verrons bien certainement la
scene tiree au naturel dans quelque comedie.
Porthos souriait.
-- Quelle chose vous fait rire? lui demanda d'Artagnan.
-- Faut-il vous l'avouer? Eh bien, je ris de ce que j'ai tant de
bonheur.
-- Oh! cela, c'est vrai; je ne connais pas d'homme plus heureux
que
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