oine fut un moment interloquee par cette question directe
et precise qui lui etait posee de facon a l'obliger de s'expliquer
franchement, ce qu'elle n'aimait guere.
--Je croyais, dit-elle, que l'abbe Guillemittes...
--Guillemittes, dans sa lettre qui est un peu entortillee, me dit que
vous venez a Rome pour y trouver le moyen de marier, dans votre pays, M.
votre fils a une jeune personne appartenant a la haute noblesse; il faut
que pour cela vous obteniez de notre Saint-Pere un titre de noblesse
pour M. votre fils; il me demande donc de vous guider dans vos demarches
pour l'obtention de ce titre, et il me prie de mettre mon influence,
l'influence qu'il me suppose et que son amitie m'attribue, a votre
disposition. De plus, il me dit encore qu'il a besoin de mes services
pour lui-meme dans des conditions qui me seront expliquees par vous,
madame. Je vous prie donc de me dire comment je puis vous etre utile et
comment je puis servir Guillemittes. Pour vous, madame, aussi bien que
pour lui, je suis pret.
C'etait une confession entiere que l'eveque de Nyda voulait, et il etait
evident qu'il fallait la faire.
Madame Pretavoine la fit donc; seulement elle l'arrangea un peu dans
certaines parties.
--Son fils aimait passionnement mademoiselle Berengere de la Roche-Odon,
petite-fille du comte de la Roche-Odon.
--Celui qui, malgre son age, n'hesita pas a s'engager dans l'armee
pontificale et a combattre a Castelfidardo et a Ancone?
--Lui-meme.
--Par consequent, cette jeune personne est la fille de madame la
vicomtesse de la Roche-Odon, autrefois princesse Sobolewska, qui
presentement habite Rome?
--Precisement.
Et madame Pretavoine continua sa confession ou plutot son recit.
--Cette passion etait telle que si son fils n'obtenait pas la main
de mademoiselle de la Roche-Odon, il pouvait mourir de desespoir. Il
fallait donc que ce mariage reussit. Le principal obstacle, le seul
qu'on rencontrat, etait la naissance de mademoiselle de la Roche-Odon;
car, pour la fortune, il y avait a peu pres egalite; la jeune fille
ne possedant rien presentement, et la fortune du vieux comte de la
Roche-Odon, autrefois considerable, ayant ete gravement endommagee par
des dettes enormes que le vicomte avait contractees et que son pere
avait tenu a payer integralement. C'etait pour aplanir cet obstacle que
l'abbe Guillemittes avait pense, car l'idee venait de lui et de lui
seul, a obtenir du Saint-Pere un titre de noblesse.
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