ici,
partez, monsieur.
Il se mit a genoux, separe d'elle par le fauteuil qu'elle venait de
quitter; mais cette pose de soumission respectueuse ne calma pas
l'indignation de Ghislaine:
--Quelle idee vous etes-vous faite de moi, que vous avez pu admettre la
pensee que je vous ecouterais?
--Et vous, quelle idee vous faites-vous de mon amour de trouver un
outrage dans son aveu; qu'ai-je demande?
--L'outrage est de vous etre introduit dans cette chambre; il est dans
votre aveu, dans votre attitude. Relevez-vous, monsieur, et partez,
partez, partez.
A chaque mot, l'accent s'etait exaspere: ce n'etait pas seulement sa
pudeur et son honnetete, sa dignite et sa fierte que cette brutale
declaration blessait, c'etaient aussi ses reves et ses esperances, ses
plus cheres croyances; combien souvent avait-elle pense a la premiere
parole d'amour qu'on lui adresserait; quels reves radieux avait-elle
faits en les poetisant, en les idealisant de tout ce que son imagination
inventait:--et voila quelle etait la realite.
--Partez, repetait-elle.
--Pas avant que vous m'ayez entendu.
--Je n'ai rien a entendre, je ne veux rien entendre; cette insistance
est odieuse; si vous etes un homme d'honneur, ne le sentez-vous pas?
partez.
--Je ne partirai pas.
--Eh bien! moi, je pars.
Mais elle n'avait point fait deux pas vers la porte que, se relevant, il
se placa devant elle les bras etendus:
--Vous ne passerez pas.
Elle recula.
--Ne comprenez-vous pas que si je me suis decide a cette resolution
desesperee, c'est que je ne suis pas maitre de mon amour, c'est lui qui
m'a amene ici contre toute raison, contre ma volonte, c'est lui qui
m'oblige a parler: je vous aime, je vous aime, je vous aime.
--Mais c'est cela que je ne veux pas entendre.
--Et moi, c'est cela que je veux dire, redire, repeter. Je vous aime. Et
quel mal, quel outrage vous fait mon amour? il ne demande rien que de ne
pas rester ignore. Vous savez que je vous aime, je vous vois, je suis
heureux.
--Eh bien! je le sais, partez.
--Oui, je partirai puisque ma presence ici vous jette dans cet emoi,
mais pas avant que vous ne m'ayez promis que cet aveu ne changera rien
a ce qui est. Je comprends que vous soyez blessee, qu'un homme paye par
vous, qui est a vos ordres, ait ose lever les yeux jusqu'a vous, mais si
cet homme n'est aujourd'hui qu'un pauvre musicien, l'esperance cependant
lui est permise.
--Que m'importe tout cela, puisque je ne ferai pa
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