vant Mme Rosemilly.
--Pourquoi pour moi plutot que pour toi? La supposition est tres
contestable. Tu es l'aine; c'est donc a toi qu'on aurait songe d'abord.
Et puis, moi, je ne veux pas me marier.
Pierre ricana:
--Tu es donc amoureux?
L'autre, mecontent, repondit:
--Est-il necessaire d'etre amoureux pour dire qu'on ne veut pas encore
se marier?
--Ah! bon, le "encore" corrige tout; tu attends.
--Admets que j'attends, si tu veux.
Mais le pere Roland, qui avait ecoute et reflechi, trouva tout a coup la
solution la plus vraisemblable.
--Parbleu! nous sommes bien betes de nous creuser la tete. Maitre Lecanu
est notre ami, il sait que Pierre cherche un cabinet de medecin, et Jean
un cabinet d'avocat, il a trouve a caser l'un de vous deux.
C'etait tellement simple et probable que tout le monde en fut d'accord.
--C'est servi, dit la bonne.
Et chacun gagna sa chambre afin de se laver les mains avant de se mettre
a table.
Dix minutes plus tard, ils dinaient dans la petite salle a manger, au
rez-de-chaussee.
On ne parla guere tout d'abord; mais, au bout de quelques instants,
Roland s'etonna de nouveau de cette visite du notaire.
--En somme, pourquoi n'a-t-il pas ecrit, pourquoi a-t-il envoye trois
fois son clerc, pourquoi vient-il lui-meme?
Pierre trouvait cela naturel.
--Il faut sans doute une reponse immediate; et il a peut-etre a nous
communiquer des clauses confidentielles qu'on n'aime pas beaucoup
ecrire.
Mais ils demeuraient preoccupes et un peu ennuyes tous les quatre
d'avoir invite cette etrangere qui generait leur discussion et les
resolutions a prendre.
Ils venaient de remonter au salon quand le notaire fut annonce.
Roland s'elanca.
--Bonjour, cher maitre.
Il donnait comme titre a M. Lecanu le "maitre" qui precede le nom de
tous les notaires.
Mme Rosemilly se leva:
--Je m'en vais, je suis tres fatiguee.
On tenta faiblement de la retenir; mais elle n'y consentit point et
elle s'en alla sans qu'un des trois hommes la reconduisit, comme on le
faisait toujours.
Mme Roland s'empressa pres du nouveau venu:
--Une tasse de cafe, Monsieur?
--Non, merci, je sors de table.
--Une tasse de the, alors?
--Je ne dis pas non, mais un peu plus tard, nous allons d'abord parler
affaires.
Dans le profond silence qui suivit ces mots on n'entendit plus que le
mouvement rythme de la pendule et, a l'etage au-dessous, le bruit des
casseroles lavees par la bonne trop bete
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