ne et bestial des paysans, vint ouvrir,
referma la porte, monta derriere ses maitres jusqu'au salon qui etait au
premier, puis elle dit:
--Il est v'nu un m'sieu trois fois.
Le pere Roland, qui ne lui parlait pas sans hurler et sans sacrer, cria:
--Qui ca est venu, nom d'un chien?
Elle ne se troublait jamais des eclats de voix de son maitre, et elle
reprit:
--Un m'sieu d'chez l'notaire.
--Quel notaire?
--D'chez m'sieu Canu, donc.
--Et qu'est-ce qu'il a dit, ce monsieur?
--Qu'm'sieu Canu y viendrait en personne dans la soiree.
Me Lecanu etait le notaire et un peu l'ami du pere Roland, dont il
faisait les affaires. Pour qu'il eut annonce sa visite dans la soiree,
il fallait qu'il s'agit d'une chose urgente et importante; et les quatre
Roland se regarderent, troubles par cette nouvelle comme le sont les
gens de fortune modeste a toute intervention d'un notaire, qui eveille
une foule d'idees de contrats, d'heritages, de proces, de choses
desirables ou redoutables. Le pere, apres quelques secondes de silence,
murmura:
--Qu'est-ce que cela peut vouloir dire?
Mme Rosemilly se mit a rire:
--Allez, c'est un heritage. J'en suis sure. Je porte bonheur.
Mais ils n'esperaient la mort de personne qui put leur laisser quelque
chose.
Mme Roland, douee d'une excellente memoire pour les parentes, se mit
aussitot a rechercher toutes les alliances du cote de son mari et du
sien, a remonter les filiations, a suivre les branches des cousinages.
Elle demandait, sans avoir meme ote son chapeau:
--Dis donc, pere (elle appelait son mari "pere" dans la maison, et
quelquefois "monsieur Roland" devant les etrangers), dis donc, pere, te
rappelles-tu qui a epouse Joseph Lebru, en secondes noces?
--Oui, une petite Dumenil, la fille d'un papetier.
--En a-t-il eu des enfants?
--Je crois bien, quatre ou cinq, au moins.
--Non. Alors il n'y a rien par la.
Deja elle s'animait a cette recherche, elle s'attachait a cette
esperance d'un peu d'aisance leur tombant du ciel. Mais Pierre, qui
aimait beaucoup sa mere, qui la savait un peu reveuse, et qui craignait
une desillusion, un petit chagrin, une petite tristesse, si la nouvelle,
au lieu d'etre bonne, etait mauvaise, l'arreta.
--Ne t'emballe pas, maman, il n'y a plus d'oncle d'Amerique! Moi, je
croirais bien plutot qu'il s'agit d'un mariage pour Jean.
Tout le monde fut surpris a cette idee, et Jean demeura un peu froisse
que son frere eut parle de cela de
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