sur le bureau, lui en place une sur la
tete. Marat ecarte les couronnes avec un dedain insolent. "Citoyens,
s'ecrie-t-il, indigne de voir une faction scelerate trahir la republique,
j'ai voulu la demasquer, et _lui mettre la corde au cou_. Elle m'a resiste
en me frappant d'un decret d'accusation. Je suis sorti victorieux. La
faction est humiliee, mais n'est pas ecrasee. Ne vous occupez point de
decerner des triomphes, defendez-vous d'enthousiasme. Je depose sur le
bureau les deux couronnes que l'on vient de m'offrir, et j'invite mes
concitoyens a attendre la fin de ma carriere pour se decider."
De nombreux applaudissemens accueillent cette impudente modestie.
Robespierre etait present a ce triomphe, dont il dedaignait sans doute le
caractere trop populaire et trop bas. Cependant il allait subir comme tout
autre la vanite du triomphateur. Les rejouissances achevees, on se hate de
revenir a la discussion ordinaire, c'est-a-dire aux moyens de purger le
gouvernement, et d'en chasser les traitres, les Rolandins, les Brissotins,
etc.... On propose pour cela de composer une liste des employes de toutes
les administrations, et de designer ceux qui ont merite leur renvoi.
"Adressez-moi cette liste, dit Marat, je ferai choix de ceux qu'il faut
renvoyer ou conserver, et je le signifierai aux ministres." Robespierre
fait une observation; il dit que les ministres sont presque tous complices
des coupables, qu'ils n'ecouteront pas la societe, qu'il vaut mieux
s'adresser au comite de salut public, place par ses fonctions au-dessus du
pouvoir executif, et que d'ailleurs la societe ne peut sans se
compromettre communiquer avec des ministres prevaricateurs. "Ces raisons
sont frivoles, replique Marat avec dedain; un patriote aussi pur que moi
_pourrait communiquer avec le diable_; je m'adresserai aux ministres,
et je les sommerai de nous satisfaire au nom de la societe."
Une consideration respectueuse entourait toujours _le vertueux,
l'eloquent_ Robespierre; mais l'audace, le cynisme insolent de Marat
etonnaient et saisissaient toutes les tetes ardentes. Sa hideuse
familiarite lui attachait quelques forts des halles, qui etaient flattes
de cette intimite avec _l'ami du peuple_, et qui etaient tous disposes a
preter a sa chetive personne le secours de leurs bras et de leur influence
dans les places publiques.
La colere de la Montagne provenait des obstacles qu'elle rencontrait; mais
ces obstacles etaient bien plus grands encore dans le
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