le Bocage, le Loroux, la Vendee, l'insurrection etait
complete, et de grandes armees de dix et vingt mille hommes tenaient la
campagne.
C'est ici le lieu de faire connaitre ce pays singulier, couvert d'une
population si obstinee, si heroique, si malheureuse, et si fatale a la
France, qu'elle manqua perdre par une funeste diversion, et dont elle
aggrava les maux en irritant au dernier point la dictature
revolutionnaire.
Sur les deux rives de la Loire, le peuple avait conserve un grand
attachement pour son ancienne maniere d'etre, et particulierement pour ses
pretres et pour son culte. Lorsque, par l'effet de la constitution civile,
les membres du clerge se trouverent partages, un veritable schisme
s'etablit. Les cures qui refusaient de se soumettre a la nouvelle
circonscription des eglises, et de preter serment, furent preferes par le
peuple; et lorsque, depossedes de leurs cures, ils furent obliges de se
retirer, les paysans les suivirent dans les bois, et se regarderent comme
persecutes eux et leur culte. Ils se reunirent par petites bandes,
poursuivirent les cures constitutionnels comme intrus, et commirent les
plus graves exces a leur egard. Dans la Bretagne, aux environs de Rennes,
il y eut des revoltes plus generales et plus imposantes, qui avaient pour
cause la cherte des subsistances, et la menace de detruire le culte,
contenue dans ces paroles de Cambon: _Ceux qui voudront la messe la
paieront_. Cependant le gouvernement etait parvenu a reprimer ces
mouvemens partiels de la rive droite de la Loire, et il n'avait a redouter
que leur communication avec la rive gauche, ou s'etait formee la grande
insurrection.
C'est particulierement sur cette rive gauche, dans l'Anjou, le bas et le
haut Poitou, qu'avait eclate la fameuse guerre de la Vendee. C'etait la
partie de la France ou le temps avait le moins fait sentir son influence,
et le moins altere les anciennes moeurs. Le regime feodal s'y etait
empreint d'un caractere tout patriarcal, et la revolution, loin de
produire une reforme utile dans ce pays, y avait blesse les plus douces
habitudes, et y fut recue comme une persecution. Le Bocage et le Marais
composent un pays singulier, qu'il faut decrire pour faire comprendre les
moeurs et l'espece de societe qui s'y etaient formees. En partant de
Nantes et Saumur, et en s'etendant depuis la Loire jusqu'aux sables
d'Olonne, Lucon, Fontenay et Niort, on trouve un sol inegal, ondulant,
coupe de ravins, et traverse d'un
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