e multitude de haies, qui servent de
cloture a chaque champ, et qui ont fait appeler cette contree le _Bocage_.
En se rapprochant de la mer, le terrain s'abaisse, se termine en marais
salans, et se trouve coupe partout d'une multitude de petits canaux, qui
en rendent l'acces presque impossible. C'est ce qu'on a appele le
_Marais_. Les seuls produits abondans dans ce pays sont les paturages, et
par consequent les bestiaux. Les paysans y cultivaient seulement la
quantite de ble necessaire a leur consommation, et se servaient du produit
de leurs troupeaux comme moyen d'echange. On sait que rien n'est plus
simple que les populations vivant de ce genre d'industrie. Peu de grandes
villes s'etaient formees dans ces contrees; on n'y trouvait que de gros
bourgs de deux a trois mille ames. Entre les deux grandes routes qui
conduisent l'une de Tours a Poitiers, et l'autre de Nantes a La Rochelle,
s'etend un espace de trente lieues de largeur, ou il n'y avait alors que
des chemins de traverse, aboutissant a des villages et a des hameaux. Les
Terres etaient divisees en une multitude de petites metairies de cinq a
six cents francs de revenu, confiees chacune a une seule famille, qui
partageait avec le maitre de la terre le produit des bestiaux. Par cette
division du fermage, les seigneurs avaient a traiter avec chaque famille,
et entretenaient avec toutes des rapports continuels et faciles. La vie la
plus simple regnait dans les chateaux: on s'y livrait a la chasse a cause
de l'abondance du gibier; les seigneurs et les paysans la faisaient en
commun, et tous etaient celebres par leur adresse et leur vigueur. Les
pretres, d'une grande purete de moeurs, y exercaient un ministere tout
paternel. La richesse n'avait ni corrompu leur caractere, ni provoque la
critique sur leur compte. On subissait l'autorite du seigneur, on croyait
les paroles du cure, parce qu'il n'y avait ni oppression ni scandale.
Avant que l'humanite se jette dans la route de la civilisation, il y a
pour elle une epoque de simplicite, d'ignorance et de purete, au milieu de
laquelle on voudrait l'arreter, si son sort n'etait pas de marcher a
travers le mal, vers tous les genres de perfectionnement.
Lorsque la revolution, si bienfaisante ailleurs, atteignit ce pays avec
son niveau de fer, elle y causa un trouble profond. Il aurait fallu
qu'elle s'y modifiat, mais c'etait impossible. Ceux qui l'ont accusee de
ne pas s'adapter aux localites, de ne pas varier avec elles, n'o
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