montra deux larmes.
Mais ce n'etaient que deux larmes de mari.
C'est la pour elle le malheur de ceux qui ne sont pas aimes de
s'acharner a leur proie et de vouloir vaincre la nature rebelle. Leonce
s'acharna a cette oeuvre maudite, parce qu'il souffrait horriblement.
--Je veux la vie ou la mort! disait-il, se trainant toujours aux pieds
d'Angele, dans la paleur d'un condamne qui attend son recours en grace.
Obsedee de tant de caresses qui ne portaient pas, de tant de paroles qui
ne parlaient pas au coeur, Angele dit a Leonce:
--Eh bien! non, je ne t'aime pas!
IV
Ce fut comme un coup de couteau. Il sembla a Leonce qu'une lame froide
lui percait le coeur.
Il foudroya sa femme d'un regard et courut eperdument a travers le parc,
dechire par toutes les betes feroces du desespoir.
Il maudissait cette femme adoree, mais en meme temps il s'avouait qu'il
ne pourrait pas vivre sans elle.
L'amour est lache. Leonce retourna dans le petit salon, ou Angele
feuilletait un roman, calme et souriante comme toujours.
--Angele, je t'aime! Dis-moi, tu n'as pas voulu me tuer par tes odieuses
paroles?
--Mon cher, vous etes fou! Ne faudrait-il pas toujours chanter la meme
chanson? Pour Dieu! laissez-moi respirer.
Il lui arracha le livre des mains.
--Le roman n'est pas la, lui dit-il.
Mais elle se leva furieuse et ressaisit les pages a moitie dechirees.
Il n'y avait plus rien a dire. Leonce alla pleurer tout seul dans son
cabinet de travail, se demandant si c'en etait fait de son reve et de
lui-meme.
Il ne revit sa femme qu'au diner, ou il hasarda ces mots:
--Si vous vous ennuyez ici, Angele....
--Pas du tout. Si vous vous ennuyez vous-meme, vous pouvez retournera
Paris pour vos affaires....
--Mes affaires! je n'en ai qu'une, celle de vivre pour vous et avec
vous.
--Eh! mon Dieu, nous ne faisons pas autre chose depuis trois mois. Je
sens que les feuilles me poussent aux mains et les racines aux pieds.
On ne dit pas un mot de plus.
Dans les grandes phases de la vie, il faut toujours un confident. Leonce
n'avait la qui que ce fut a qui ouvrir son coeur! Le lendemain, il
repartit pour Paris, ne sachant d'ailleurs pas bien pour quoi faire,
mais fuyant la solitude, cette implacable ennemie de ceux qui souffrent
par le coeur. A Paris, il trouva un ami.
--Pourquoi cette paleur, Leonce?
--Ah! si tu savais comme je suis malheureux. Et le jeune marie conta,
une a une, toutes ses tortures.
Il
|