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triste pour elle qu'elle etait plus douce et plus gaie aux autres,
aux villageois assis sur le pas de leur porte avec l'expression
heureuse de la journee finie; aux travailleurs qui revenaient des
champs et respiraient deja la bonne odeur de la soupe du soir;
meme aux chevaux qui se hataient parce qu'ils sentaient l'ecurie
ou ils allaient se reposer devant leur ratelier garni.
Lorsqu'elle sortit de ce village, elle se trouva a la croisee de
deux grandes routes qui toutes deux conduisaient a Calais, l'une
par Moisselles, l'autre par Ecouen, disait le poteau pose a leur
intersection; ce fut celle-la qu'elle prit.
VII
Bien qu'elle commencat a avoir les jambes lasses et les pieds
endoloris, elle eut voulu marcher encore, car a faire la route
dans la fraicheur du soir et la solitude, sans que personne
s'inquietat d'elle, elle eut trouve une tranquillite que le jour
ne lui donnait pas. Mais, si elle prenait ce parti, elle devrait
s'arreter quand elle serait trop fatiguee, et alors, ne pouvant
pas se choisir une bonne place dans l'obscurite de la nuit, elle
n'aurait pour se coucher que le fosse du chemin ou le champ
voisin, ce qui n'etait pas rassurant. Dans ces conditions, le
mieux etait donc qu'elle sacrifiat son bien-etre a sa securite et
profitat des dernieres clartes du soir pour chercher un endroit
ou, cachee et abritee, elle pourrait dormir en repos. Si les
oiseaux se couchent de bonne heure, quand il fait encore clair,
n'est-ce pas pour mieux choisir leur gite: les betes maintenant
devaient lui servir d'exemple, puisqu'elle vivait de leur vie.
Elle n'eut pas loin a aller pour en rencontrer un qui lui parut
reunir toutes les garanties qu'elle pouvait souhaiter. Comme elle
passait le long d'un champ d'artichauts, elle vit un paysan occupe
avec une femme a en cueillir les tetes qu'ils placaient dans des
paniers; aussitot remplis, ils chargeaient ces paniers dans une
voiture restee sur la route. Machinalement elle s'arreta pour
regarder ce travail, et a ce moment arriva une autre charrette que
conduisait, assise sur le limon, une fillette rentrant au village.
"Vous avez cueille vos artichauts? cria-t-elle.
-- C'est pas trop tot, repondit le paysan; pas drole de coucher la
toutes les nuits pour veiller aux galvaudeux, au moins je vas
dormir dans mon lit
-- Et la piece a Monneau?
-- Monneau, il fait le malin; il dit que les autres la gardent;
cette nuit ce ne sera toujours pas _me_; ce que c'ser
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