le bois, apres l'avoir tourne et retourne inutilement dans sa
bouche; les feuilles passerent moins difficilement.
Pendant qu'elle faisait sa toilette, raccommodait ses bas, et
tachait de souper avec les branches du bouleau, les heures avaient
marche, et quoique le ciel, toujours trouble de pluie, ne permit
pas de suivre la baisse du soleil, il semblait a l'obscurite qui,
depuis un certain temps, emplissait la foret, que la nuit devait
approcher. En effet, elle ne tarda pas a venir, et elle se fit
sombre comme dans les journees sans crepuscule; la pluie cessa de
tomber, un brouillard blanc s'eleva aussitot, et, en quelques
minutes, Perrine se trouva plongee dans l'ombre et le silence: a
dix pas, elle ne voyait pas devant elle, et, a l'entour, comme au
loin, elle n'entendait plus d'autre bruit que celui des gouttes
d'eau qui tombaient des branches sur son toit ou dans les flaques
voisines.
Quoique preparee a l'idee de coucher la, elle n'en eprouva pas
moins un serrement de coeur en se trouvant ainsi isolee, et perdue
dans cette foret, en plein noir. Sans doute, elle venait de
passer, a cette meme place, une partie de la journee, sans courir
d'autre danger que celui d'etre foudroyee, mais, la foret le jour
n'est pas la foret la nuit, avec son silence solennel et ses
ombres mysterieuses, qui disent et laissent voir tant de choses
troublantes.
Aussi ne put-elle pas s'endormir tout de suite, comme elle
l'aurait voulu, agitee par les tiraillements de son estomac,
effaree par les fantomes de son imagination.
Quelles betes peuplaient cette foret? Des loups peut-etre?
Cette pensee la tira de sa somnolence, et, s'etant relevee, elle
prit un solide baton, qu'elle aiguisa d'un bout avec son couteau,
puis elle se fit un entourage de fagots. Au moins si un loup
l'attaquait, elle pourrait, de derriere son rempart, se defendre;
certainement, elle en aurait le courage. Cela la rassura, et quand
elle se fut recouchee dans son lit de copeaux, en tenant son epieu
a deux mains, elle, ne tarda pas a s'endormir.
Ce fut un chant d'oiseau qui l'eveilla, grave et triste, aux notes
pleines et flutees, qu'elle reconnut tout de suite pour celui du
merle. Elle ouvrit les yeux, et vit qu'au-dessus de ses fagots,
une faible lueur blanche percait l'obscurite de la foret, dont les
arbres et les cepees se detachaient en noir sur le fond pale de
l'aube: c'etait le matin.
La pluie avait cesse, pas un souffle de vent n'agitait les
feuilles
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