e aux arbres, une vie nouvelle qui semblait
eclose de la nuit meme; le ciel, rechauffe, s'etait peuple de
centaines d'alouettes qui piquaient droit dans l'azur limpide en
lancant des chansons joyeuses; et de toute la plaine qui bordait
la foret s'exhalait une odeur fortifiante d'herbes, de fleurs et
de moissons.
Au milieu de cette joie universelle etait-il possible qu'elle
restat seule desesperee? Le malheur la poursuivrait-il toujours?
Pourquoi n'aurait-elle pas une bonne chance? C'en etait deja une
grande, de s'etre abritee dans la foret; elle pouvait bien en
rencontrer d'autres.
Et, tout en marchant, son imagination s'envolait sur les ailes de
cette idee, a laquelle elle revenait toujours, que quelquefois on
perd de l'argent sur les grands chemins, qu'une poche trouee
laisse tomber; ce n'etait donc pas folie de se repeter encore
qu'elle pouvait trouver ainsi, non une grosse bourse qu'elle
devrait rendre, mais un simple sou, et meme une piece de dix sous
qu'elle aurait le droit de garder sans causer de prejudice a
personne, et qui la sauveraient.
De meme il lui semblait qu'il n'etait pas extravagant, non plus,
de penser qu'elle pourrait rencontrer une bonne occasion de
s'employer a un travail quelconque, ou de rendre un service qui
lui feraient gagner quelques sous.
Elle avait besoin de si peu pour vivre trois ou quatre jours.
Et elle allait ainsi les yeux attaches sur le gravier lave, mais
sans apercevoir le gros sou ou la petite piece blanche tombee
d'une mauvaise poche, pas plus qu'elle ne rencontrait les
occasions de travail que l'imagination representait si faciles et
que la realite n'offrait nulle part.
Cependant il y avait urgence a ce que l'une ou l'autre de ces
bonnes chances s'accomplit au plus tot, car les malaises qu'elles
avait ressentis la veille se repetaient si intenses par moments,
qu'elle commencait a craindre de ne pas pouvoir continuer son
chemin: maux de coeur, nausees, alourdissements, bouffees de
sueurs qui lui cassaient bras et jambes.
Elle n'avait pas a chercher la cause de ces troubles, son estomac
la lui criait douloureusement, et comme elle ne pouvait pas
repeter l'experience de la veille avec les branches de bouleau,
qui lui avait si mal reussi, elle se demandait ce qui adviendrait,
apres qu'un etourdissement plus fort que les autres l'aurait
forcee a s'asseoir sur l'un des bas cotes de la route.
Pourrait-elle se relever?
Et, si elle ne le pouvait pas, devrait-elle m
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