un murmure de voix etouffees
mele a un bruit de chutes legeres. Vivement elle s'agenouilla pour
regarder par un des trous perces dans la cabane; une voiture etait
bien arretee au bout du champ, et il lui sembla, autant qu'elle
pouvait juger a la pale clarte des etoiles, qu'une ombre, homme ou
femme, en jetait des paniers que deux autres ombres prenaient et
portaient dans la piece a cote, celle a Monneau. Que signifiait
cela a pareille heure?
Avant qu'elle eut trouve une reponse a cette question, la voiture
s'eloigna, et les deux ombres entrerent dans le champ
d'artichauts; aussitot elle entendit des petits coups secs et
rapides comme si l'on coupait la quelque chose.
Alors elle comprit: c'etaient des voleurs, "des galvaudeux", qui
"nettoyaient la piece a Monneau"; vivement ils coupaient les
artichauts et les entassaient dans les paniers que la charrette
avait apportes et que, sans doute, elle allait venir reprendre la
recolte achevee, afin de ne pas rester sur la route pendant cette
operation et d'appeler l'attention des passants s'il en survenait.
Mais au lieu de se dire, comme les paysans, "que c'etait drole",
Perrine fut epouvantee, car instantanement elle comprit les
dangers auxquels elle pouvait se trouver exposee.
Que feraient-ils d'elle s'ils la decouvraient? Souvent elle avait
entendu raconter des histoires de voleurs et savait que c'est
quand on les surprend ou les derange qu'ils tuent ceux qui
porteraient un temoignage contre eux.
Il est vrai qu'elle avait bien des chances pour n'etre pas
decouverte par eux, puisque c'etait parce qu'ils savaient
certainement cette cabane abandonnee qu'ils volaient cette nuit-la
les artichauts du champ Monneau; mais si on les surprenait, si on
les arretait, ne pouvait-elle pas etre prise avec eux; comment se
defendrait-elle et prouverait-elle qu'elle n'etait pas leur
complice?
A cette pensee, elle se sentit inondee de sueur, et ses yeux se
troublerent au point qu'elle ne distingua plus rien autour d'elle,
bien qu'elle entendit toujours les coups secs des serpettes qui
coupaient les artichauts; et le seul soulagement a son angoisse
fut de se dire qu'ils travaillaient avec une telle ardeur qu'ils
auraient bientot depouille tout le champ.
Mais ils furent deranges; au loin on entendit le roulement d'une
charrette sur le pave, et quand elle approcha ils se blottirent
entre les tiges des artichauts, si bien rases qu'elle ne les
voyait plus.
La charrette passee, i
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