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elle se trouvait seule, au milieu de cette campagne deserte,
pauvre oiseau voyageur surpris par la tempete.
Elle eut du marcher contre elle qu'elle n'eut certainement pas pu
avancer, mais par bonheur le vent la poussait, et si fort, que par
instants il la forcait a courir.
Pourquoi ne garderait-elle pas cette allure? La foudre n'etait pas
encore au-dessus d'elle.
Les coudes serres a la taille, le corps penche en avant, elle se
mit a courir, en se menageant cependant pour ne pas tomber a bout
de souffle; mais, si vite qu'elle courut, l'orage courait encore
plus vite qu'elle, et sa voix formidable lui criait dans le dos
qu'il la gagnait.
Si elle avait ete dans son etat ordinaire elle aurait lutte plus
energiquement, mais fatiguee, affaiblie, la tete chancelante, la
bouche seche, elle ne pouvait pas soutenir un effort desespere, et
par moment le coeur lui manquait.
Heureusement le bois se rapprochait, et maintenant elle
distinguait nettement ses grands arbres que des abatis recents
avaient clairsemes.
Encore quelques minutes, elle arrivait; au moins elle touchait sa
lisiere, qui pouvait lui donner un abri que la plaine certainement
ne lui offrirait pas; et il suffisait que cette esperance
presentat une chance de realisation, si faible qu'elle fut, pour
que son courage ne l'abandonnat pas: que de fois son pere lui
avait-il repete que dans le danger les chances de se sauver sont a
ceux qui luttent jusqu'au bout!
Et elle luttait soutenue par cette pensee, comme si la main de son
pere tenait encore la sienne et l'entrainait.
Un coup plus sec, plus violent que les autres, la cloua au sol
couvert de flammes; cette fois le tonnerre ne la poursuivait plus,
il l'avait rejointe, il etait sur elle; il fallait qu'elle
ralentit sa course, car mieux valait encore s'exposer a etre
inondee que foudroyee.
Elle n'avait pas fait vingt pas que quelques gouttes de pluie
larges et epaisses s'abattirent, et elle crut que c'etait l'averse
qui commencait; mais elle ne dura point, emportee par le vent,
coupee par les commotions du tonnerre qui la refoulaient.
Enfin elle entrait dans le bois, mais l'obscurite s'etait faite si
noire que ses yeux ne pouvaient pas le sonder bien loin, cependant
a la lueur d'un coup de foudre elle crut apercevoir, a une courte
distance, une cabane a laquelle conduisait un mauvais chemin
creuse de profondes ornieres, elle se jeta dedans, au hasard.
De nouveaux eclairs lui montrere
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