ent
soufflat toujours comme s'il sortait d'une fournaise, le soleil
depuis un certain temps deja s'etait voile, et, quand elle se
retournait du cote de Paris, elle voyait monter au ciel un immense
nuage noir qui emplissait tout l'horizon, aussi loin qu'elle
pouvait le sonder. C'etait un orage qui arrivait, et sans doute il
apporterait avec lui la pluie qui ferait des flaques et des
ruisseaux ou elle pourrait boire tant qu'elle voudrait.
Une trombe passa, aplatissant les moissons, tordant les buissons,
arrachant les cailloux de la route, entrainant avec elle des
tourbillons de poussiere, de feuilles vertes, de paille, de foin,
puis, quand son fracas se calma, on entendit dans le sud des
detonations lointaines, qui s'enchainaient, vomies sans relache
d'un bout a l'autre de l'horizon noir.
Incapable de resister a cette formidable poussee, Perrine s'etait
couchee dans le fosse, a plat ventre, les mains sur ses yeux et
sur sa bouche; ces detonations la releverent. Si tout d'abord,
affolee par la soif, elle n'avait pense qu'a la pluie, le tonnerre
en la secouant lui rappelait qu'il n'y a pas que de la pluie dans
un orage; mais aussi des eclairs aveuglants, des torrents d'eau,
de la grele, des coups de foudre.
Ou s'abriterait-elle dans cette vaste plaine nue? Et si sa robe
etait traversee, comment la ferait-elle secher?
Dans les derniers tourbillons de poussiere qu'emportait la trombe,
elle apercut devant elle a deux kilometres environ la lisiere d'un
bois a travers lequel s'enfoncait la route, et elle se dit que la
peut-etre elle trouverait un refuge, une carriere, un trou ou elle
se terrerait.
Elle n'avait pas de temps a perdre: l'obscurite s'epaississait, et
les roulements du tonnerre se prolongeaient maintenant
indefiniment, domines a des intervalles irreguliers par un eclat
plus formidable que les autres, qui suspendait, sur la plaine et
dans le ciel, tout mouvement, tout bruit comme s'il venait
d'aneantir la vie de la terre.
Arriverait-elle au bois avant l'orage? Tout en marchant aussi vite
que sa respiration haletante le permettait, elle tournait parfois
la tete en arriere, et le voyait fondre sur elle au galop furieux
de ses nuages noirs; et, de ses detonations, il la poursuivait en
l'enveloppant d'un immense cercle de feu.
Dans les montagnes, en voyage, elle avait plus d'une fois ete
exposee a de terribles orages, mais alors elle avait son pere, sa
mere qui la couvraient de leur protection, tandis qu
|