iece fausse; dans la cabane, ses
nerfs crispes se detendirent, et, du toit qu'elle avait sur la
tete, descendit en elle un apaisement avec un sentiment de
securite mele de confiance qui la releva; tout n'etait donc pas
perdu, tout n'etait pas fini.
Mais en meme temps elle fut surprise de s'apercevoir qu'elle avait
faim, alors que, tandis qu'elle marchait, il lui semblait qu'elle
n'aurait jamais plus besoin de manger ni de boire.
C'etait la desormais l'inquietant et le dangereux de sa situation:
comment, avec le sou qui lui restait, vivrait-elle pendant cinq ou
six jours? Le moment present n'etait rien, mais que serait le
lendemain, le surlendemain?
Cependant si grave que fut la question, elle ne voulut pas la
laisser l'envahir et l'abattre; au contraire, il fallait se
secouer, se raidir, en se disant que, puisqu'elle avait trouve une
si bonne chambre quand elle admettait qu'elle n'aurait pas mieux
que le grand chemin pour se coucher, ou un tronc d'arbre pour
s'adosser, elle trouverait bien aussi le lendemain quelque chose a
manger. Quoi? Elle ne l'imaginait pas. Mais cette ignorance
presente ne devait pas l'empecher de s'endormir dans l'esperance.
Elle s'etait allongee sur la paille, la botte de roseaux sous sa
tete, ayant en face d'elle, par une des ouvertures de la cabane,
les feux du four a briques qui, dans la nuit, voltigeaient en
lueurs fantastiques, et le bien-etre du repos, au milieu d'une
tranquillite qui ne devait pas etre troublee, l'emportait sur les
tiraillements de son estomac.
Elle ferma les yeux et avant de s'endormir, comme tous les soirs
depuis la mort de son pere, elle evoqua son image; mais ce soir-la
a l'image du pere se joignit celle de la maman qu'elle venait de
conduire au cimetiere en ce jour terrible, et ce fut en les voyant
l'un et l'autre penches sur elle pour l'embrasser comme toujours
ils le faisaient vivants que, dans un sanglot, brisee par la
fatigue et plus encore par les emotions, elle trouva le sommeil.
Si lourde que fut cette fatigue, elle ne dormit pas cependant
solidement; de temps en temps le roulement d'une voiture sur le
pave l'eveillait, ou le passage d'un train, ou quelque bruit
mysterieux qui, dans le silence et le recueillement de la nuit,
lui faisait battre le coeur, mais aussitot elle se rendormait. A
un certain moment, elle crut qu'une voiture venait de s'arreter
pres d'elle sur la route, et cette fois elle ecouta. Elle ne
s'etait pas trompee, elle entendit
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