s, si, aussi hardi qu'il etait
presomptueux, il se fut fie a son orgueil, et si, rejetant les textes,
il n'eut, pour resoudre un genant probleme, ecoute que sa propre raison!
CHAPITRE IX.
SUITE DU PRECEDENT.
Abelard a combattu le realisme, est-il par consequent nominaliste? Il a
combattu le nominalisme, est-il neanmoins nominaliste? C'est ce qu'il
nous reste a decider.
"Montrons a present," dit-il, "avec la permission de Dieu (_Deo
annuente_), ce qu'il nous parait preferable d'admettre[69]." J'essaierai
d'expliquer ce systeme assez subtil, en suivant l'ordre des idees du
philosophe, mais sans m'attacher aux formes de la diction, quoiqu'il
soit necessaire, pour l'exactitude scientifique et pour la fidelite de
la couleur, de reproduire souvent les termes de l'ecole.
[Note 69: _De Gen. et Spec._, p. 626-634.]
Dans aucun systeme, on ne refuse une certaine realite a l'individu;
s'il ne possede l'etre par privilege, au moins le possede-t-il en
participation (Platon, Scot Erigene), et personne n'a articule
formellement que la chose individuelle fut une fiction. Abelard, voulant
se rendre compte de la constitution des etres, considere l'individu,
c'est-a-dire qu'il pose le probleme des genres et des especes dans
ce que les scolastiques ont appele apres lui le probleme de
l'individuation; c'est la le propre et la nouveaute de sa doctrine. Au
moins le procede est methodique: l'individu est certain et donne; partir
de l'individu, c'est aller du connu a l'inconnu, du simple au compose.
Avant de penetrer dans la constitution de l'espace humaine, etudions
donc avec Abelard les elements reels de l'espece, ou les individus.
Socrate, comme tout etre individuel, comme toute essence, est un compose
de matiere et de forme; il est individu, de l'espece, l'homme Socrate,
homme par la matiere; Socrate par la forme; la matiere est l'_homme_,
la forme est la _socratite_. Dans Platon egalement, la matiere est
l'_homme_ et la forme la _platonite_. Ainsi l'essence _homme_ qui
resulte de l'union de la forme _humanite_ a la matiere _animal_, devient
dans l'individu la matiere _informee_, par la forme individuelle qui
fait Platon ou par celle qui fait Socrate; de la une essence qui est
tout l'individu. La forme qui, en s'unissant a la matiere _animal_,
constitue l'individu, est-elle ailleurs qu'en lui? non, assurement:
point de Socrate hors de Socrate. Mais cette essence _humanite_, qui
devient la matiere de Socrate et comme le suj
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