sit brusquement l'enfant et le serra passionnement dans ses
bras, disant a haute voix: "Dieu me montre le chemin." Ses yeux
brillaient d'un eclat extraordinaire, sa poitrine etait haletante, sa
respiration entrecoupee. "Le mystere est eclairci maintenant,
pensa-t-elle; combien de fois me suis-je demande avec stupefaction
comment mon fils pouvait faire des choses impossibles dans l'obscurite.
Je comprends tout maintenant."
Elle l'installa dans sa petite chaise et lui dit:
--Attends-moi un instant, mon cheri, et nous causerons ensemble.
Elle monta dans sa chambre et prit sur sa table de toilette differents
objets qu'elle cacha; elle mit une lime a ongles par terre sous son lit,
des ciseaux sous son bureau, un petit coupe-papier d'ivoire sous son
armoire a glace. Puis elle retourna vers l'enfant et lui dit:
--Tiens! j'ai laisse en haut differents objets que j'aurais du
descendre; monte donc les chercher et tu me les apporteras,
ajouta-t-elle, apres les lui avoir enumeres.
Archy se hata et revint quelques instants apres portant les objets
demandes.
--As-tu eprouve une difficulte quelconque, mon enfant, a trouver ces
objets?
--Aucune, maman, je me suis simplement dirige dans la chambre en suivant
votre trace.
Pendant son absence, elle avait pris sur une etagere plusieurs livres
qu'elle avait ouverts; puis elle effleura de la main plusieurs pages
dont elle se rappela les numeros, les referma et les remit en place.
--Je viens de faire une chose en ton absence, Archy, lui dit-elle.
Crois-tu que tu pourrais la deviner?
L'enfant alla droit a l'etagere, prit les livres, et les ouvrit aux
pages touchees par sa mere.
La jeune femme assit son fils sur ses genoux et lui dit:
--Maintenant, je puis repondre a ta question de tout a l'heure, mon
cheri; je viens de decouvrir en effet que sous certains rapports tu n'es
pas comme tout le monde. Tu peux voir dans l'obscurite, flairer ce que
d'autres ne sentent pas; tu as toutes les qualites d'un limier. C'est un
don precieux, inestimable que tu possedes, mais gardes-en le secret,
sois muet comme une tombe a ce sujet. S'il etait decouvert, on te
signalerait comme un enfant bizarre, un petit phenomene, et les autres
se moqueraient de toi ou te donneraient des sobriquets.
Dans ce monde, vois-tu, il faut etre comme le commun des mortels, si
l'on ne veut provoquer ni moqueries, ni envie, ni jalousie. La
particularite que tu as recue en partage est rare et enviable, j'e
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