on compte. Ne cherchez pas a me cacher ses propos a mon
egard; je les connais par le menu, et les tiens de source authentique.
"Il vous a dit, entre autres choses aimables, que mon caractere est
peint sur mon visage; que j'etais un individu faux, dissimule, fourbe,
lache, en un mot une parfaite brute sans le moindre coeur, un vrai "type
de Sedgemoor", a-t-il meme ajoute.
"Tout autre que moi aurait ete le trouver et l'aurait tue chez lui comme
un chien. Je voulais le faire, j'en avais bien envie, mais il m'est venu
une idee que j'estime meilleure. Je veux l'humilier, le couvrir de
honte, le tuer a petites doses: c'est la mon plan. Pour le realiser, je
vous martyriserai, vous, son idole! C'est pour cela que je vous ai
epousee, et puis... Patience! vous verrez bientot si je m'y entends."
Pendant trois mois a partir de ce jour, la jeune femme subit toutes les
humiliations, les vilenies, les affronts que l'esprit diabolique de son
mari put imaginer; il ne la maltraitait pas physiquement; au milieu de
cette epreuve, sa grande fierte lui vint en aide et l'empecha de trahir
le secret de son chagrin. De temps a autre son mari lui demandait: "Mais
pourquoi donc n'allez-vous pas trouver votre pere et lui raconter ce que
vous endurez?..."
Puis il inventait de nouvelles mechancetes, plus cruelles que les
precedentes et renouvelait sa meme question. Elle repondait
invariablement: "Jamais mon pere n'apprendra rien de ma bouche." Elle en
profitait pour le railler sur son origine, et lui rappeler qu'elle
etait, de par la loi, l'esclave d'un fils d'esclaves, qu'elle obeirait,
mais qu'il n'obtiendrait d'elle rien de plus. Il pouvait la tuer s'il
voulait, mais non la dompter; son sang et l'education qui avait forme
son caractere l'empecheraient de faiblir.
Au bout de trois mois, il lui dit d'un air courrouce et sombre: "J'ai
essaye de tout, sauf d'un moyen pour vous dompter"; puis il attendit la
reponse.
--Essayez de ce dernier, repliqua-t-elle en le toisant d'un regard plein
de dedain.
Cette nuit-la, il se leva vers minuit, s'habilla, et lui commanda:
"Levez-vous et appretez-vous a sortir."
Comme toujours, elle obeit sans un mot.
Il la conduisit a un mille environ de la maison, et se mit a la battre
non loin de la grande route. Cette fois elle cria et chercha a se
defendre. Il la baillonna, lui cravacha la figure, et excita contre
elle ses chiens, qui lui dechirerent ses vetements; elle se trouva nue.
Il rappela ses
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