e poils, qui en est trempee.
La nuit vient. L'immense clameur s'apaise.
Les Solitaires ont disparu.
Tout a coup, sur les galeries exterieures bordant les neuf etages du
Phare, Antoine apercoit de grosses lignes noires comme seraient des
corbeaux arretes. Il y court, et il se trouve au sommet.
Un grand miroir de cuivre, tourne vers la haute mer, reflete les navires
qui sont au large.
Antoine s'amuse a les regarder; et a mesure qu'il les regarde, leur
nombre augmente.
Ils sont tasses dans un golfe ayant la forme d'un croissant. Par derriere,
sur un promontoire, s'etale une ville neuve d'architecture romaine, avec
des coupoles de pierre, des toits coniques, des marbres roses et bleus,
et une profusion d'airain appliquee aux volutes des chapiteaux, a la crete
des maisons, aux angles des corniches. Un bois de cypres la domine. La
couleur de la mer est plus verte, l'air plus froid. Sur les montagnes a
l'horizon, il y a de la neige.
Antoine cherche sa route, quand un homme l'aborde et lui dit: "Venez! on
vous attend!"
Il traverse un forum, entre dans une cour, se baisse sous une porte; et
il arrive devant la facade du palais, decore par un groupe en cire qui
represente l'empereur Constantin terrassant un dragon. Une vasque de
porphyre porte a son milieu une conque en or pleine de pistaches. Son
guide lui dit qu'il peut en prendre. Il en prend.
Puis il est comme perdu dans une succession d'appartements.
On voit le long des murs en mosaique, des generaux offrant a l'Empereur
sur le plat de la main des villes conquises. Et partout, ce sont des
colonnes de basalte, des grilles en filigrane d'argent, des sieges
d'ivoire, des tapisseries brodees de perles. La lumiere tombe des
voutes, Antoine continue a marcher. De tiedes exhalaisons circulent; il
entend, quelquefois, le claquement discret d'une sandale. Postes dans
les antichambres, des gardiens,--qui ressemblent a des automates,
--tiennent sur leurs epaules des batons de vermeil.
Enfin, il se trouve au bas d'une salle terminee au fond par des rideaux
d'hyacinthe. Ils s'ecartent, et decouvrent l'Empereur, assis sur un
trone, en tunique violette, et chausse de brodequins rouges a bandes
noires.
Un diademe de perles contourne sa chevelure disposee en rouleaux
symetriques. Il a les paupieres tombantes, le nez droit, la physionomie
lourde et sournoise. Aux coins du dais etendu sur sa tete quatre
colombes d'or sont posees, et au pied du trone deux lions d'emai
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